Afrique

Tollé au Maroc après la visite d’une «délégation de jeunes leaders» en Israël

Le récent déplacement d’une «délégation de jeunes leaders marocains» en Israël fait scandale au Maroc. Une visite qui intervient «en plein génocide en Palestine», ont fustigé ONG, médias et réseaux sociaux dans ce pays nord-africain où des manifestations, souvent massives, contre les représailles israéliennes à Gaza, sont fréquemment organisées.

«En plein génocide en Palestine, une délégation du Maroc va en Israël en soutien contre le Hamas», s’irrite le 10 juillet le média marocain Yabiladi en rapportant que les membres de cette délégation ont été reçus le 8 juillet par le président de la Knesset [le Parlement israélien] Amir Yohanna, ainsi que par Meir Ben-Shabbat, ancien conseiller israélien à la sécurité, aujourd’hui à la tête de l’Institut Misgav pour la sécurité nationale et la stratégie sioniste.

Sur X (ex-Twitter), l’Institut Misgav avait posté le 9 juillet des photos et des vidéos de cette visite, en précisant que la représentation marocaine était composée de «jeunes leaders marocains» venus en Israël accompagnés d’une délégation de l’association Sharaka, qui œuvre au renforcement «de la paix et du partenariat» entre Israël et les pays arabes.

«La réponse des jeunes leaders marocains a été extrêmement positive», s’est réjoui l’institut israélien, mettant l’accent sur «l'enthousiasme mutuel» pour les «liens culturels profonds entre Israël et le Maroc», qui peuvent servir de base, selon Misgav, pour faire progresser la paix «dans l'esprit des Accords d'Abraham».

Le Maroc avait, en effet, normalisé ses relations avec Israël en 2020 dans les cadre de ces accords d’Abraham, et ce, malgré une contestation populaire importante dans le pays, qui s’est intensifiée depuis le début des représailles israéliennes à Gaza le 7 octobre dernier.

Indignation populaire et médiatique

La visite à l’Institut Misgav a suscité de vives critiques au Maroc où médias, ONG et réseaux sociaux ont dénoncé un énième signe de «complicité» de leur pays avec le «génocide israélien à Gaza» perpétré depuis plus de neuf mois. Israël rejette cette accusation.

Dans ce contexte, l’Observatoire marocain contre la normalisation, l’une des principales ONG pro-palestiniennes citée par Yabiladi, a fustigé une visite de «lavage de cerveau» au service de la «propagande des renseignements sionistes dans les milieux marocains».

La délégation, précise l’ONG, se composait de plus de 23 jeunes Marocains, «sélectionnés» pour travailler avec les Israéliens, «afin de promouvoir le récit sioniste concernant les événements de 7 octobre».

Il ne s’agit pas d’un précédent selon Yabiladi, puisqu’en avril dernier, certains membres de la délégation s’étaient déjà rendus en Israël, dans le cadre d’un programme «visant à promouvoir la tolérance en faisant connaître l’Holocauste dans le monde arabo-musulman».

À noter que l’association Sharaka, qui accompagnait la délégation, avait condamné l’opération du Hamas contre les colonies israéliennes proches de la bande de Gaza, le 7 octobre 2023. Dans un communiqué, l’association avait qualifié le mouvement de résistance palestinien de «terroriste» et de «nazi».

«Gaza n’est pas seule»

Ce tollé provoqué par la visite intervient alors que l’escale d’un navire de guerre israélien au port de Tanger du 6 au 7 juin, révélée par la presse israélienne le 19 juin, fait déjà polémique depuis plusieurs semaines au Maroc où des manifestations, souvent massives, contre les représailles israéliennes à Gaza, sont fréquemment organisées.

La dernière en date avait eu lieu le 7 juillet à Tanger, où plusieurs milliers de Marocains ont manifesté en soutien à la cause palestinienne et contre la normalisation avec Israël. «Gaza n’est pas seule», ont scandé les manifestants qui ont choisi Tanger pour protester par la même occasion contre l’escale du navire israélien début juin au port de la ville.

La polémique intervient également alors le Maroc vient de conclure un accord avec Israel Aerospace Industries (IAI) pour l'acquisition de satellites espions, d'une valeur d'environ un milliard de dollars, selon les informations rapportées le 10 juillet par des médias marocains et internationaux.

Le Maroc a normalisé ses relations avec Israël en 2020, après les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Soudan, portant à six le nombre total de pays arabes ayant des relations avec Israël, l'Égypte et la Jordanie ayant déjà conclu des traités de paix complets avec Israël, respectivement en 1979 et 1994.

Presque tous les jours depuis le début de la guerre à Gaza, les villes marocaines ont été le théâtre de rassemblements et de manifestations de solidarité avec le peuple palestinien et de protestation contre les frappes meurtrières de Tsahal.