D’après le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie Fethi Zouhair Nouri, le monde actuel se divise en deux «galaxies» : une des pays riches et une des pays pauvres. Cette dernière souffre d’un système financier mondial «inéquitable», qui «entrave», selon ses dires, «toute possibilité de développement».
Depuis Saint-Pétersbourg, où il a participé le 7 juin à une discussion sur le «rôle du secteur financier dans la réalisation des objectifs stratégiques de développement» dans le cadre du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, Nouri a critiqué, lors de son intervention, les conditions contraignantes imposées par les bailleurs occidentaux et à leur tête le FMI (Fonds monétaire international).
Pour accéder au financement nécessaire, explique le gouverneur de la BCT, il faut d’abord travailler sur un premier axe qui est celui de la création de richesse. Une création de richesse néanmoins «extrêmement difficile dans les pays du tiers monde tant nous manquons de ressources naturelles et financières», a-t-il ajouté. Pour se développer, ces pays «pauvres» recourent à une deuxième alternative, qui est celle d’aller chercher de l’argent auprès du FMI, entre autres, «parce que les autres bailleurs imposent l’accord du FMI pour accepter de financer, à leur tour, votre économie».
«La relation avec le FMI est très tendue»
«Or, la relation entre le FMI d’un côté et les pays du tiers monde de l’autre est très tendue», fustige le gouverneur de la BCT relevant que le FMI «a toujours promis un seul type de croissance et c’est celui des pays riches, un type que les pays pauvres doivent imiter au détriment de leurs propres besoins !».
L’institution mondiale, selon lui, «ne prête pas assez d’argent» et impose «beaucoup de conditions avant de financer». «Nous refusons qu’on nous donne des leçons. Nous sommes un pays libre et souverain qui a tout le temps respecté ses engagements», a tonné le dirigeant tunisien.
Pire encore, le FMI utilise un double langage
Et d’ajouter : «Pire encore, le FMI utilise un double langage. Comment voulez-vous aujourd’hui que mon pays, la Tunisie, soit capable de relever le triple défi [exigé par le Fonds, ndlr.] de la viabilité de la dette, les impacts climatiques et de la transition énergétique sans avoir un accès aux financements extérieurs ?» A cela s'ajoutent selon lui des conditions du marché financier «exorbitantes et contraignantes».
«Donc, aujourd’hui, il faut revoir, aujourd’hui, la politique adoptée par le FMI avec beaucoup de pays du tiers monde», a plaidé Nouri, avant d'ajouter : «il faut être plus équitable et plus justes pour que ces pays puissent profiter de cette masse d’argent qui circule aujourd’hui à l’échelle internationale.»
«Un nouveau pacte financier mondial»
Ces déclarations interviennent alors que le président tunisien Kaïs Saïed a exprimé, à maintes occasions, le rejet de la Tunisie des conditions dictées par le FMI pour octroyer un crédit au pays qui souffre, depuis plusieurs années, d’une importante crise économique et financière.
Lors d’un sommet à Paris tenu en juin 2023, le chef d’Etat tunisien avait a plaidé pour « un nouveau pacte financier mondial», appelant la communauté internationale à rompre avec la logique du «rapport dominant-dominé». «Le système financier international actuel a prouvé ses limites, mais nous ne voulons pas que le nouveau système en gestation, soit construit au détriment de nos intérêts», avait-il notamment déclaré en présence de dirigeants occidentaux.
Lors d’un entretien avec la directrice du FMI Kristalina Georgieva, en marge de ce sommet, le président Saïed avait réitéré son opposition au programme de réformes du FMI. Il avait assuré à son interlocutrice que «les recettes proposées par l’institution financière internationale [étaient] inacceptables et [représentaient] une menace pour la paix civile». «S’il n’en reste qu’un qui refusera les recettes du FMI, je serai celui-là», avait dit Saïed à la dirigeante du FMI.
Dans un discours à Rome en juillet 2023, le président tunisien avait même appelé à «créer une nouvelle institution financière mondiale» pour «établir un nouvel ordre humain où l’espoir remplace le désespoir».
Les discussions entamées en 2019 entre la Tunisie et le FMI pour un prêt de 1,9 milliard de dollars (environ 1,8 milliard d’euros) sont suspendues sine die en raison du rejet de la Tunisie des conditions dictées par le FMI.