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Jacques Nikonoff est professeur associé à l’Institut d’études européennes de l’Université Paris 8. Il est également porte-parole du Parti de l’émancipation du peuple (ex-M’PEP).

L’échec annoncé du parti espagnol Podemos

L’échec annoncé du parti espagnol Podemos Source: Reuters
Membres du parti espagnol Podemos
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Professeur associé à l’Institut d’études européennes de l’Université Paris VIII, Jacques Nikonoff analyse le Syriza espagnol – le parti Podemos.

L’Espagne fournit un cas d’école de la façon dont les grands médias occidentaux, peu enclins à la subtilité et à la précision, offrent une vision caricaturale de la réalité et promeuvent, entre autre, des partis-leurre. En France, par exemple, c’est le cas du Front national (FN) qui ne propose pas une véritable sortie de l’euro ni de l’Union européenne (UE) dans son programme, contrairement à ce qu’il prétend, et qui est pourtant présenté comme un épouvantail sur ces questions. C’est aussi le cas du parti espagnol Podemos (Pour la démocratie sociale) qui donne l’impression d’être très critique vis-à-vis de la construction européenne, mais qui ne veut en réalité qu’une illusoire «autre Europe», par une transformation de celle-ci de l’intérieur, comme si on pouvait changer le plomb en or. Éclairés par la reddition du gouvernement grec Syriza, frère siamois de Podemos, nous savons déjà ce qui se passera si ce parti arrive aux affaires en Espagne lors des élections générales de fin 2015.

C’est aussi le cas du parti espagnol Podemos (Pour la démocratie sociale) qui donne l’impression d’être très critique vis-à-vis de la construction européenne, mais qui ne veut en réalité qu’une illusoire «autre Europe»

Podemos, fondé le 17 janvier 2014, fait partie de ces formes politiques qui surfent sur les mobilisations citoyennes et l’euroscepticisme au demeurant parfaitement justifiés. La situation sociale en Espagne, particulièrement le chômage, ressemble dangereusement à celle de la Grèce. On comprend donc la colère de la population. C’est ainsi que le résultat des élections européennes en Espagne, le 25 mai 2014, a montré une chute non négligeable du Parti populaire (PP, droite), et du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), entièrement responsables de la crise dans ce pays. Le PP perdait plus de 2,5 millions de voix (26,06%), comme le PSOE (23%). Au total ils n’obtenaient qu’à peine plus de 49% des suffrages exprimés, une première depuis les années 80. Face à eux, trois partis dépassaient la barre du million d’électeurs : la Gauche plurielle, très comparable au Front de gauche français (10%) ; l’Union progrès et démocratie, proche du MoDem en France (6,50%) ; Podemos qui pointait à la quatrième position, obtenant d’emblée cinq sièges au Parlement européen (7,97%).

La situation sociale en Espagne, particulièrement le chômage, ressemble dangereusement à celle de la Grèce.

Comment expliquer la médiatisation de Podemos ? L’effet de nouveauté et de surprise n’explique pas tout. Il existe une véritable capacité de mobilisation populaire, qui commence à se traduire dans les urnes. Mais, en réalité, Pablo Iglesias, son leader, ne dérange pas fondamentalement les pouvoirs en place car son programme, s’il s’articule autour de six idées très consensuelles dans la population («Faire redémarrer l’économie», «Conquérir la liberté», «Conquérir l’égalité», «Récupérer la fraternité», «Conquérir la souveraineté» et «Récupérer la terre»), ne se donne pas les moyens de ses ambitions puisqu’il refuse de sortir de l’euro et de l’Union européenne. Il prône, comme tant d’autres partis-leurre, une «autre Europe», une Europe «sociale», etc., toutes choses qui n’ont aucun contenu précis et ne sont que des postures.

Il existe une véritable capacité de mobilisation populaire, qui commence à se traduire dans les urnes. 

Podemos, comme Syriza, refuse d’admettre que l’UE est une construction néolibérale, irréformable, antidémocratique. Cet attachement inconditionnel à l’UE est tel que Pablo Iglesias soutient, dans son programme, l’intégration croissante des pays européens, et cela en parfait accord avec les formations les plus farouchement européistes. Un tel attachement rend impossibles toutes les politiques sociales et antilibérales pourtant inscrites dans son programme. La plupart de ses propositions sont en effet totalement incompatibles avec les traités européens. Le programme de Podemos aurait du sens si la sortie de l’Espagne de l’UE et de l’euro était incluse. Or, Podemos ne le propose pas, élude ces questions cruciales et milite au contraire pour une plus grande intégration européenne.

Podemos, comme Syriza, refuse d’admettre que l’UE est une construction néolibérale, irréformable, antidémocratique.

Ce nouveau parti est la traduction politique d’une puissante volonté populaire de balayer la classe politique espagnole, il est vrai une opération de salubrité publique urgente. Il surfe sur le «mouvement des Indignés» de 2011 dont il reprend certaines des aspirations et des slogans, mais aussi la confusion idéologique. C’est pourquoi la déception sera au bout du chemin si ce parti ne comprend pas qu’il est impossible d’améliorer le sort de la population dans le cadre de l‘euro et de l’Union européenne, et qu’il convient d’en sortir.

 

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