Gérard Filoche : Ni Valls ni Macron ne cherchent véritablement à lutter contre le chômage

Gérard Filoche : Ni Valls ni Macron ne cherchent véritablement à lutter contre le chômage© Philippe Wojazer Source: Reuters
Le code du travail subit-il un assaut idéologique?
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Lors de son discours à l'université d'été du PS, Manuel Valls n'a pas que mouillé la chemise. Il a souhaité la réforme du code du travail. C'est peu dire que Gérard Filoche, membre du bureau national du PS, a moyennement apprécié le propos.

RT France: Que pensez-vous de cette affirmation de Manuel Valls selon laquelle le code du travail serait trop épais, voire obèse?

Gérard Filoche (G.F.): Manuel Valls ne connait rien au code du travail. C'est une sortie idéologique pour plaire aux patrons. Il s'aligne ainsi sur Pierre Gattaz, le président du Medef, qui dit que le code du travail est le fléau numéro 1 des patrons. Le Medef veut de toute façon détruire ce code et Manuel Valls semble vouloir s'y plier. Quand il dit que le texte est obèse, c'est une preuve de son incompétence. Le code ne fait que 675 pages dans sa partie législative. C'est le code de lois le plus petit de tous. Mais il est édité avec plus de 3900 pages de commentaires et jurisprudences. Manuel Valls s'arrête à cela. De plus, le code du travail a été déjà été réécrit entièrement il y a quelques années. Un neuvième du livre a été enlevé, 500 lois ont été supprimées, il a été réduit et soumis aux exigences des patrons. Mais ni Valls, ni Macron ne semblent le savoir. S'ils avaient travaillé une seule fois sur un chantier, ils se seraient précipité sur la page adéquate pour savoir ce qui est prévu pour les chaussures de sécurité. S'ils avaient travaillé dans une cuisine, ils se seraient précipités pour savoir quel est le degré maximum qui peut être autorisé, à savoir 45°C maximum. S'ils avaient un peu de souci pour les salariés, ils diraient qu'il faut au contraire renforcer le code du travail car il n'est pas assez protecteur. S'ils voulaient vraiment lutter contre le chômage, ils diraient qu'il faut contrôler les licenciements et non pas les faciliter. En fait derrière ce petit jeu qui consiste à dire que le code du travail est obèse, c'est une offensive assez scandaleuse contre le droit de 18 millions de salariés.

Si Valls et Macron avaient travaillé une seule fois sur un chantier, ils se seraient précipité pour savoir ce qui est prévu pour les chaussures de sécurité

RT France: Pourquoi cette offensive, par ignorance ou par idéologie?

G.F.: C'est de la pure idéologie. Manuel Valls est incapable d'avoir une seule discussion sur le code du travail. Il ne dit ces choses que pour plaire au Medef. Et les gens qui sont autour de lui savent bien ce qu'ils font. Depuis des années, le Medef essaie de s'en prendre au code du travail. L'ancienne présidente du Medef, Laurence Parisot avait dés 2004, dit: «la liberté de penser s'arrête là où commence le code du travail». Douze ans après, ça arrive au cerveau de Manuel Valls.

RT France: Quel est l'intérêt du Medef de s'attaquer ainsi au code du Travail?

G.F.: Tout simplement pour augmenter le profit des employeurs. Moins vous avez de droit du travail, moins les salaires seront importants. Moins vous avez de droit du travail, plus il sera facile de licencier. Moins vous avez de droit du travail, moins vous aurez de syndicats et d'institutions représentatives du personnel. Moins vous avez de droit du travail, moins il y aura d'argent pour les conditions d'hygiène et de sécurité et de condition de travail. Le Medef cherche, et c'est là une tactique traditionnelle, à baisser le coût du travail et à empêcher les salariés de se défendre. Le Medef a toujours voulu cela et il trouve des oreilles attentives chez messieurs Macron et Valls qui par soumission idéologique se prêtent à ces opérations.

RT France: Que répondre à ceux qui disent que le code du travail serait un frein à l'embauche?

G.F.: C'est exactement l'inverse. C'est le droit du travail qui crée le droit au travail. Plus le code est faible, plus vous avez de chômage. Plus le code organise la protection du salarié, le décompte des heures, les grilles de salaires et plus vous avez un possible partage du travail. Le code du Travail, c'est la garantie de l'emploi. Sans sa protection, c'est la précarité et le licenciement. Je vais vous donner un exemple précis: en France, on tourne autour de un milliard d'heures supplémentaires non déclarées. Pensez donc: un milliard qui représente  l'équivalent de 600 000 emplois. Pourquoi est-ce ainsi? Car les textes sur le contrôle des heures sont insuffisants. Les moyens de contrôle des entreprises par l'inspection du travail sont insuffisants. Les sanctions sont insuffisantes. En raison de tout cela, cela fait l'équivalent de 600 000 chomeurs de plus. 

RT France: Quand Manuel Valls dit qu'il faut «revoir en profondeur la manière même de concevoir notre réglementation», est-il dans le vrai selon vous?

G.F.: Non, ce qui doit l'emporter c'est l'Etat de droit et non pas le contrat. Les lois sont faites pour protéger les faibles. Si on donne la priorité au contrat, ce seront les forts qui imposeront leur volonté. Dans tout contrat de travail, il y a deux parties inégales: le patron et l'employé ou subordonné. C'est parce qu'il y a subordination, qu'il y a besoin d'un code du travail qui donne des contreparties. Si on donne la priorité au contrat, il va de soi que les salariés seront moins bien protégés, qu'ils seront plus facilement licenciables. Et c'est bien cela le but de toute l'opération idéologique qui est en cours.

 C'est tourner le dos à toute l'histoire de la gauche que de parler comme le fait Manuel Valls aujourd'hui.

RT France: Vous pensez donc qu'il y a un assaut idéologique concerté contre certains acquis sociaux?  

G.F.: J'en suis certain. Je suis absolument scandalisé qu'un gouvernement issu de la gauche se propose d'attaquer 100 ans d'histoire et d'acquis de la gauche pour contrer un droit social. Le droit du travail est l'indice du développement d'une civilisation, du développement humain. On juge une société à comment  elle traite les salariés en son sein. Ce sont les salariés, qui représentent 93% des actifs, qui n'ont pas la part qu'ils méritent.  En vérité, s'en prendre au code, c'est essayer de gommer 100 de sueur, de lutte et de larmes. Ce droit exprime les rapports de forces sociaux, il a été construit lentement, contre le travail des enfants, contre les durées maximales, pour des délégués du personnel, pour un salaire garanti. C'est tourner le dos à toute l'histoire de la gauche que de parler comme le fait Manuel Valls aujourd'hui.

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