Tandis que Tokyo s’apprête à déclarer certaines parties des zones évacuées près de Fukushima aptes au retour de la population, l’expert en énergie nucléaire Mycle Schneider estime que le gouvernement ne fait qu’essayer d’économiser de l’argent.
RT : Croyez-vous que les gens vont suivre les recommandations du gouvernement japonais et revenir à Fukushima ? D’après vous, la zone est-elle sûre ?
Mycle Schneider : Pour répondre à la première question, d’après de nombreux sondages effectués, le pourcentage de ceux qui auraient décidé de revenir peut s’élever à 20% de la population initiale. Beaucoup n’ont pas encore décidé et une autre moitié dit ne pas vouloir y retourner.
#Fukushima : malgré l'apparition inquiétante de marguerites mutantes, les habitants reviennent http://t.co/zks1K2aDwQpic.twitter.com/u5VYX7Ehdn
— RT France (@RTenfrancais) 24 Juillet 2015
Surtout les gens doivent se poser la question de savoir, outre le problème des radiations, vers quoi reviennent-ils ? Il ne faut pas oublier que la plupart des maisons au Japon sont construites en bois et sont en très mauvais état et devront être complètement reconstruites. Ainsi, il n’y a pas grand-chose à qui les gens peuvent se rattacher. Une chose encore, c’est très bien de vouloir revenir chez soi, mais qu’en est-il des voisins, de la collectivité locale, des services, etc. ? C’est en fait tout une somme de problème sociaux qui se pose.
La décontamination dans la région de #Fukushima, par des températures de plus de 30 degrés Celsius @afpfr#AFPpic.twitter.com/YSySufr7ya
— Karyn NISHI-POUPEE (@karyn_poupee) 21 Juillet 2015
RT : Et combien de temps cela prend-il pour décontaminer complètement la zone ? Est-ce vraiment possible, puisque ces 20% de gens estiment clairement que oui.
Mycle Schneider : Je ne crois pas qu’il soit possible de la nettoyer dans le sens propre du mot. La radioactivité est présente partout : dans le sol, les racines, la végétation, partout. C’est impossible. La seule chose que l’on peut faire, c’est de réduire la contamination radioactive dans certaines zones. On peut retirer le sol, ou décontaminer à l’eau pulvérisée comme on l’a déjà fait.
Mais il faut se rappeler que le Japon, c’est 80% de montagnes et dans la région en question, il y a beaucoup de montagnes, de forêts, et il est impossible, de décontaminer même légèrement ces zones-là. Et ce qui arrivera, à chaque pluie, avec le ruissellement, la radioactivité descendra des montagnes et pénétrera de nouvelles zones.
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RT : Pourquoi alors pensez-vous Tokyo souhaite que la population revienne dans cette zone ?
Mycle Schneider : Ce n’est pas bien compliqué : d’après une estimation partielle, le coût de cette catastrophe s’élève à 100 milliards de dollars, dont 60% de cette somme a été dépensée pour des mesures de compensation. Rembourser les gens pour la perte de leur terre, de leur travail, etc. Tout cela coûte très cher au gouvernement. Et depuis que ce gouvernement a renfloué l’entreprise qui gérait Fukushima, c’est maintenant à lui qu’en revient l’entière responsabilité.
Ainsi il s’agit en fait de réduire le coût global de cette catastrophe.
RT : Y a-t-il d’autre exemples où les gens sont retournés sur des sites nucléaires après une catastrophe d’une telle ampleur ?
Mycle Schneider : Pas vraiment, tout le monde est au courant de la catastrophe de Tchernobyl et des zones d’exclusions de 30 kilomètres autour du site. Il y a des gens qui sont revenus dans cette zone, mais ils l’ont fait sans autorisation. Ce n’était pas une mesure gouvernementale permettant aux gens de massivement y revenir. Il y a d’autres régions qui ont été touchées par des accidents nucléaires mais il n’y a rien de comparable avec ce qui s’est passé dans une zone si intensément peuplée comme l’était Fukushima.
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