La communication de François Hollande sur le terrorisme, entre maladresse et précipitation

La communication de François Hollande sur le terrorisme, entre maladresse et précipitation
François Hollande en a-t-il trop fait?
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François Hollande en-a-t-il trop fait en annonçant lui-même qu'un attentat a été déjoué, coupant ainsi littéralement l'herbe sous le pied de son ministre de l'Intérieur réduit à jouer les seconds couteaux? Réponse avec Julien Fragnon, politologue.

RT France: Comment qualifier la communication de François Hollande et plus largement du gouvernement autour de l'attentat déjoué?

Julien Fragnon: Elle a été plutôt maladroite et un peu rapide et peut être mal préparée. Elle a devancé ce qui avait été préparé par le ministère de l'Intérieur. Cela contraste d'ailleurs avec la communication présidentielle plus générale qui avait été reprise en main ces derniers mois. En janvier dernier, celle-ci avait été plutôt saluée par les observateurs. Cette maladresse dans sa communication peut là en effet surprendre. 

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RT France: Voulait-il faire passer un message particulier ou imposer une image particulière, peut être celle d'un Président «protecteur»?

Julien Fragnon: Cette image est plutôt ce qui pourrait ressortir de l'interview du 14 juillet. De façon générale, le message des autorités dans le cas de terrorisme est toujours d'assurer et d'illustrer la protection des citoyens. C'est là un message plutôt consensuel et qui est transpartisan. Il s'agit de montrer aux citoyens que l'Etat agit pour les protéger. Dans la communication politique liée aux questions de terrorisme, il y a toujours trois acteurs: l'Etat, le groupe terroriste et l'opinion publique. Les deux premiers acteurs, terroriste et étatique, visent l'opinion publique, l'un par l'attentat, l'autre par sa communication.

RT France: Que pensez-vous des réactions de l'opposition qui a parlé de «récupération politique» du danger terroriste?

Julien Fragnon: L'opposition est dans son rôle. Nicolas Sarkozy, quand il était ministre de l'Intérieur, avait par exemple annoncé en septembre 2005 lors d'une intervention télévisée l'arrestation de plusieurs personnes. Or cette émission avait été enregistrée quelques jours auparavant. L'opposition devrait être plus prudente compte tenu de sa gestion antérieure. Pourtant Nicolas Sarkozy avait eu la volonté de construire une communication de crise cohérente en France en s'inspirant de l'exemple britannique. Il avait été impressionné par la gestion de l'attentat de Londres du 7 juillet 2005. Ce dispositif britannique sépare nettement le discours politique tenu par des hommes politiques et la communication sur l'enquête en elle-même qui est faite par des porte-paroles des différentes administrations (police, justice). Mais, par la suite, il a eu, comme d'autres hommes politiques français, du mal à garder cette distinction entre le politique et l'administratif. C'est là une forme de tradition française d'immixtion de la parole politique dans des affaires policières ou juridiques.

RT France: Cette communication maladroite ou précipitée ne fait-elle pas le jeu du terrorisme dont le but est justement de frapper les esprits?

Julien Fragnon: Tout gouvernement, en matière de communication sur le terrorisme, est sur une vraie ligne de crête difficile à tenir. Il y a là une situation paradoxale difficile à gérer. Un gouvernement pourrait faire dans la discrétion, ce qui serait logique puisque la politique publique de lutte contre le terrorisme est fondée sur des services qui opèrent discrétement. C'est même le gage de leur efficacité. Sauf que, en cas d'attentat, l'opposition, l'opinion public critiqueraient le gouvernement en l'accusant de manque de vigilance ou de volonté. D'où la volonté du gouvernement de communiquer. Mais si cette communication devient trop régulière, sur des arrestations, sur des menaces, ou trop dramatisante, il y a deux risques. Dabord, rendre banal le risque terroriste. Cela nuierait du coup à l'appel à la vigilance de la population car pour maintenir cette vigilance, il faut que cette communication demeure exceptionnelle. Le risque inverse serait de créer une forme de psychose, en utilisant la peur à des fins politiques. C'est ce qui avait été largement reproché à George W Bush d'ailleurs dans la période post septembre 2001. C'est donc là une communication très difficile à tenir pour un gouvernement qui doit tenir compte de ces deux paradoxes. Il faut avoir là une communication quasi chirurgicale.

RT France: Quels effets peut avoir cette communication de crise sur la population? Plutôt de cohésion, de mobilisation, de dislocation?

Julien Fragnon: Les objectifs dans la communication publique contre le terrorisme sont très clairs. Il s'agit d'abord de rassurer les citoyens. Ensuite, selon la doctrine française de communication publique de crise anti-terroriste qui date de 2007 et qui avait été initiée d'abord par Nicolas Sarkozy puis par Dominique de Villepin, l'autre objectif est aussi d'accroitre la vigilance de la population avec l'ambition de faire de chacun un acteur de la lutte contre le terrorisme. Ce qui est certain est que plus la parole est rare, plus elle a de l'importance. Si le message est trop répété, le risque est celui de la lassitude et de la perte de cette vigilance. 

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RT France: Y-a-t-il un rôle politique de la Peur, une sorte de management de la population par la peur de certains pouvoirs?

Julien Fragnon: Ce n'est pas le cas dans la communication de François Hollande, mais effectivement de nombreux gouvernements, démocratiques ou pas, ont utilisé des menaces, réelles ou fictives, pour tenter de souder une communauté. Le risque est qu'on ne maîtrise pas forcément les conséquences d'une telle politique. Le cas le plus emblématique reste la communication sous la présidence de George W. Bush qui avait multiplié les opérations de communication sur des faits qui avaient été largement dégonflés après enquête.

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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