Le niveau d’endettement de la Grèce n’est pas viable mais il est aussi insoutenable, a confié à RT l’économiste François Morin, professeur à l'Université de Toulouse et auteur du livre L’hydre mondiale : l’oligopole bancaire.
La Grèce a utilisé le 5 juin sa dernière cartouche pour repousser les remboursements qu'elle devait payer au Fonds monétaire international (FMI) courant juin. Elle a demandé à l’institution de Bretton Woods de pouvoir regrouper ses quatre échéances de juin et de les régler d'un coup le 30. Ce que le FMI a platement accepté, car son règlement le lui permet. Mais après, cela ne sera plus possible. Il n'y aura plus d'astuces ou d'excuses possibles. Il faudra que la Grèce et ses créanciers accouchent d’un accord en bonne et due forme. L’économiste François Morin, professeur à l'Université de Toulouse a répondu aux questions de RT France.
RT France : Quelles seraient selon vous les conséquences sur l’Europe d’un défaut de paiement de la Grèce sur le remboursement de sa dette publique ?
François Morin : Cela se répercutera sur l’ensemble des marchés monétaires et financiers mondiaux. On ne peut pas cantonner cette crise, si elle doit survenir, on ne peut pas dire qu’il y a une frontière européenne sur ce genre de crise. Les marchés sont aujourd’hui complétement globalisés à l’échelle internationale et donc s’il y a une secousse, c’est l’ensemble de la planète qui va se retrouver dans une situation très difficile. Et c’est cela le risque principal : qu’on ait comme en 2007 ou 2008, une nouvelle secousse financière très importante.
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— RT France (@RTenfrancais) 3 июня 2015
RT France : Mais pourquoi est-ce que personne n’écoute les propositions d’Athènes sur le remboursement de sa dette ?
F. M. : D’abord, ce sont le Fonds monétaire international (FMI), la Banque centrale européenne (BCE) et la Commission européenne qui décident. Mais je crois qu’on peut dire qu’il y a derrière ce conflit, sur les bonnes solutions à trouver, un problème de nature à la fois politique et idéologique. Nous avons un gouvernement de gauche radicale qui fait face à des gouvernements conservateurs ou sociaux-démocrates. Il est évident que là, il y a déjà une dimension politique qui joue, d’autant que le nouveau gouvernement grec prône des politiques économiques en Europe qui soient assez différentes substantiellement des politiques d’austérité qui sont menées actuellement.
On se trouve face à un conflit politique et à la fois devant un conflit sur la façon de comprendre l’Europe, de comprendre ce qu’elle doit faire aujourd’hui puisqu’elle est toujours dans une situation de crise. Le chômage en Europe est toujours très important, sauf dans certains pays comme l’Allemagne et dans une certaine mesure la Grande-Bretagne, mais les économies se portent dans l’ensemble très mal, les déficits publics continuent d’exploser. On est dans une situation quand même extrêmement difficile et cette annonce, s’il devait y avoir un défaut sur la dette grecque, ne pourrait que précipiter encore plus les choses.
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RT France : Le paiement de sa dette par la Grèce est-il en réalité absolument nécessaire ?
F. M. : La dette grecque, tout le monde le sait, mais personne ne le dit, sauf le gouvernement Tsipras, cette dette, a-t-il déclaré dans un une interview dans Le Monde, n’est pas viable. On peut dire aussi qu’elle n’est pas soutenable. Et en effet, en Grèce cette dette s’élève à près de 180% du PIB grec. C’est le record européen.
Mais dans d’autres pays, on est à 100%, 110% alors que le second critère de convergence du traité de Maastricht prévoit de ne pas dépasser 60%, donc tout le monde est en quelque sorte concerné, à des degrés différents, et mais il s’agit d’une situation générale, qui ne se limite pas simplement la situation de la Grèce, qui comme d’autres pays, se retrouvent avec un niveau d’endettement impossible à soutenir financièrement.
Il faudra bien à un moment ou un autre, trouver un système pour apurer ces dettes, les effacer partiellement ou trouver des mécanismes de solidarité à l’échelle européenne qui feront que dans la gestion de ces surendettements publics, on trouve une solution commune qui devienne à peu près supportable pour tout le monde.
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