Alors que le Royaume-Uni continue à s’éloigner de l’Europe sur le plan politique, les institutions européennes, elles, s’anglicisent. Jean Quatremer, journaliste qui couvre les actualités européennes depuis plus de 20 ans nous en expose la menace.
La France est toujours prompte à s’enorgueillir de la présence la langue française partout dans le monde, mais il est un endroit où elle perd du terrain, c’est celui des institutions européennes.
Le #français est, avec l’anglais, la seule langue parlée sur les 5 continents : http://t.co/MZOVM2zyzB#francophoniepic.twitter.com/wHEhFgCzGS
— France Diplomatie (@francediplo) 21 Septembre 2014
L’Union Européenne (UE) compte 24 langues officielles, mais seulement trois langues de travail : l’allemand, l’anglais et le français.
Aujourd'hui c'est la journée européenne des langues. Testez vos connaissances avec notre quiz http://t.co/sSCmcyxyLZpic.twitter.com/ULJ5yb4HOG
— Parlement européen (@Europarl_FR) 26 Septembre 2014
Mais ces dernières années cette dernière a largement cédé face à la langue de Shakespeare. Pour exemple, 38 % des documents issus par la Commission européenne en 1995 ont été émis en français, puis seulement 12% en 2008 pour finir à 7 % en 2012, selon la radio Euranet Plus.
Jean Quatremer, correspondant à Bruxelles du journal Libération et auteur d’un blog sur les coulisses des institutions européennes, constate que «la Commission travaille désormais presque exclusivement en anglais, même dans les services où il n’y a aucun anglophone de naissance».
Cela a par exemple pour conséquence «l’appauvrissement des textes de loi européens» parce que ils sont réalisés «par des gens qui ne maitrisent pas la langue anglaise et qui ne maitrisent pas les concepts juridiques véhiculés par la langue anglaise».
«On élabore des textes simplistes, voire incompréhensibles une fois traduits» dans les autres langues européennes.
Donc «on élabore des textes simplistes, voire incompréhensibles une fois traduits» dans les autres langues européennes. De plus, une langue véhicule un système de valeurs, et les valeurs de la langue anglaise ne sont pas celles des autres pays européens.
C’est un problème car ces institutions règlementent la vie de tous les jours de l’ensemble des citoyens, or l’Europe n’est pas un continent unifié et l’anglais n’est parlé et compris correctement que par une petite partie de ces citoyens, et selon Jean Quatremer «aucun peuple ne peut être accepté d’être dirigé dans une langue qu’il ne maitrise pas».
Au fur et à mesure de la mainmise de l’anglais sur les institutions européennes, «l’euroscepticisme s’est installé, parce que seuls les britanniques se reconnaissent dans l’UE (…), alors que les autres ne se reconnaissent absolument plus». Cela a aussi pour conséquence de rendre les anglais «arrogants, dominateurs» au sein des institutions dirigeantes.
Umberto Eco disait que «la langue de l’Europe c’est la traduction», c’est certes coûteux et compliqué à mettre en œuvre, mais indispensable pour que les lois et textes émis ne soit pas perçus comme émanant d’une «culture étrangère».
It costs an EU citizen ONE COFFEE a year to have all the documents translated into 24 languages @translatores#DGTpic.twitter.com/ncbR4RSNQA
— Anna Spiridonova (@AnnaSpir) 29 Mars 2015
Le risque ultime c’est d’aboutir à un «rejet de cette Europe qu’on ne comprend plus, et qui sera de plus en plus perçue comme étrangère»
En guise de conclusion, Jean Quatremer estime que «si l'élite va trop loin dans une langue pas reconnue par l’ensemble des peuples (…), elle sera rejetée, et cette construction politique volontariste s’effondrera d’elle-même».
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