Sahel : comment une force militaire africaine conjointe peut réussir là où l'Occident a échoué

Sahel : comment une force militaire africaine conjointe peut réussir là où l'Occident a échoué Source: AFP
Forces spéciales maliennes (image d'illustration).
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La force conjointe qui vient d’être formée par les États du Sahel ne sera efficace que si les trois nations adoptent une approche complexe, selon Egountchi Behanzin.

Les États du Sahel font face depuis quelques années à de nombreux défis sécuritaires tels que les menaces terroristes, les conflits intercommunautaires, le trafic de drogue et d’armes, les difficultés liées à la gouvernance et au développement économique.

Face à ce constat, l’Alliance des États du Sahel (AES), représentée par les nouveaux dirigeants Assimi Goïta au Mali, Ibrahim Traoré au Burkina Faso et Abdourahamane Tiani au Niger, a décidé de mettre en place une force commune afin de renforcer leur capacité à lutter contre les menaces et à assurer la sécurité de la région, selon les chefs des états-majors des armées des trois pays qui l’ont annoncé le 6 mars. La force commune sera dirigée par le Niger.

Plusieurs raisons ont motivé cette initiative. Tout d’abord, les pays du Sahel ont constaté l’incapacité des forces armées nationales à relever seules ces défis sécuritaires, en raison notamment de ressources limitées et du manque de coordination. Avec une force commune, ils espèrent mettre en commun leurs efforts et leurs ressources pour mieux lutter contre les groupes terroristes et d’autres menaces pesant sur la région.

La mise en place d’une force conjointe de l’AES pour faire face aux problèmes sécuritaires est une initiative importante et nécessaire dans une région faisant face à de nombreux défis en matière de sécurité, tels que le terrorisme, le crime organisé et les conflits armés, souvent inspirés par des puissances impérialistes comme les États-Unis et la France. Ces pays ont tout intérêt à ce que l’instabilité persiste dans cette partie du Sahel, très riche en ressources naturelles.

Les trois pays de l’AES - le Mali, le Niger et le Burkina Faso - ont fait face à une augmentation des menaces terroristes depuis 2011, l’année de l’intervention de l’OTAN en Libye qui a abouti à l’assassinat du colonel Kadhafi.

En fait, la création de l’Alliance, avec la signature par les trois États d’une charte en décembre 2023, reflétait déjà une prise de conscience quant à la nécessité pour les pays du Sahel de travailler ensemble pour assurer la sécurité et la stabilité de la région et contrer toute menace à leur souveraineté, interne ou externe. Les trois pays ont également coupé leurs liens militaires avec la France, invoquant l’ingérence des troupes françaises et leur incapacité à vaincre les insurrections islamiques dans la région, malgré plus d’une décennie d’engagement.

Paris et Washington veulent préserver leur propre agenda en Afrique

Les dirigeants de l’Alliance se rendent compte de l’urgence de la situation et du fait qu’ils ne peuvent pas compter sur les pays occidentaux tels que la France et les États-Unis qui ne semblent pas vraiment disposés à les aider à combattre le terrorisme, mais cherchent plutôt à préserver leur propre agenda géopolitique en Afrique, comme ils le font déjà au Moyen-Orient.

Avec la création d’une force commune, les États du Sahel pourront coordonner leurs efforts dans un esprit de souveraineté, partager des données et des ressources, ainsi que mener des opérations conjointes pour lutter contre les menaces qui pèsent sur la sécurité de leurs pays et de la région. Pour être efficaces, les États du Sahel touchés par ce fléau doivent donc adopter sans tarder des accords militaires au niveau régional avec d’autres pays sahélo-sahariens ou à l’échelle internationale avec des pays comme la Russie, l’Iran, la Turquie, compte tenu de la spécificité des attentats terroristes qui secouent leurs territoires.

L’Alliance des États du Sahel doit décider d’un certain nombre de mesures, parfois coercitives mais surtout préventives, pour combattre l’insécurité et le terrorisme dans les pays-membres. Il est nécessaire de mettre en œuvre des sanctions visant des individus ou des groupes terroristes. Des résolutions parlementaires nécessitent d’être adoptées pour renforcer les mécanismes législatifs, judiciaires, policiers et militaires des pays en question, afin qu’ils puissent mieux prévenir et combattre l’organisation et le financement de ces groupes terroristes, ainsi que l’endoctrinement pratiqué par ces derniers. En outre, des efforts doivent être déployés pour lutter contre la prolifération d’armes.

La lutte contre le terrorisme ne sera pas gagnée tant que les moyens de surveillance et de renseignement seront confiés à d’anciennes puissances coloniales comme la France.

Des opérations militaires conjointes des États du Sahel seront aussi régulièrement nécessaires au lieu des opérations américaines ou françaises dans certains pays du Sahel. Une coopération régionale en matière de renseignement est essentielle, même si elle n’existe pas toujours dans les pays africains touchés par le terrorisme ou si elle est rendue difficile par les intérêts nationaux sous-jacents.

Or, l’un des problèmes majeurs auxquels sont confrontés les Etats de la région, touchés par l’insécurité liée aux groupes terroristes, est qu’ils ne disposent quasiment pas de services de renseignement internes ou externes, ni de capacités de contre-espionnage suffisamment performantes pour anticiper les attaques sur leurs territoires ou contre leurs populations.

Le Mali, le Burkina Faso et le Niger devraient également axer leur attention sur cette méthode, car le terrorisme ne se combat pas seulement par des actions militaires, mais aussi par l’infiltration, la traque des complices et la neutralisation des leaders au moyen de missions secrètes. La lutte contre le terrorisme ne sera pas gagnée tant que les moyens de surveillance et de renseignement seront confiés à d’anciennes puissances coloniales comme la France.

Autre point important : sans oublier la justice sociale, dans la lutte contre le terrorisme, il faut adopter une approche plus globale au moyen de plans de développement, par l’éducation, la protection de la propriété et de la population, la lutte contre la radicalisation. Si l’Alliance des États du Sahel et ses partenaires régionaux ne s’attaquent pas à ces éléments cruciaux, la lutte contre le terrorisme et l’insécurité n’aboutira qu’à du bruit, à des postures et à de la poudre aux yeux. Les populations continueront de souffrir, les territoires occupés par les criminels s’étendront à chaque attaque, quelle que soit la volonté des dirigeants et des armées.

Tout cela contribuera également à accroître la capacité des forces locales de sécurité et de défense à faire face aux défis complexes et transnationaux qui menacent les pays de la région. Le fait que cette force doive être dirigée par le Niger et que cette décision ait été prise sans conflit montre la volonté des membres de l’alliance de coopérer et de partager la responsabilité de la sécurité dans la région. Il est important de noter que la mise en place d’une force commune dirigée par le Niger ne se fera pas sans difficultés. Les différences politiques, culturelles et institutionnelles entre les membres de l’alliance doivent être surmontées, il faudra également mobiliser les ressources humaines et surtout financières indispensables pour soutenir cette initiative à long terme qui portera ses fruits si elle est mise en œuvre efficacement par les États du Sahel.

En conclusion, la création d’une force commune par l’Alliance des États du Sahel pour relever les défis sécuritaires est une étape positive dans la consolidation de la paix et de la sécurité dans la région. Reste à espérer que cette initiative contribuera à renforcer la coopération et la souveraineté régionales, à améliorer la sécurité des populations du Sahel et à promouvoir le développement économique et social de la région.

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