Selon un spécialiste de sécurité, Jean Monjaret, la visite du secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, en février à Paris, a été l’occasion pour François Hollande d’affecter une des postures qu’il affectionne, celle du chef de guerre.
Multipliant depuis son arrivée à la Présidence de la République les interventions armées en Afrique subsaharienne, il a saisi l’occasion de cette rencontre avec M. Stoltenberg pour souligner que la France pouvait, de ce point de vue, donner une leçon aux autres Etats membres de l’Union Européenne (UE). «Nous faisons un effort de défense important, 2% de la richesse nationale, et nous souhaitons que beaucoup de pays puissent prendre en compte non seulement ce que nous faisons mais aussi ce qu'ils doivent faire pour être à la hauteur de la réponse qui doit être apportée aux différentes menaces», a souligné le chef de l’Etat au terme de ses entretiens avec le patron de l’OTAN.
Une déclaration à double sens, qui recèle une importance toute particulière dans le contexte des difficultés budgétaires françaises d’une part, de la crise ukrainienne de l’autre.
Sur le premier point, celui des vicissitudes financières auxquelles Paris doit faire face, notamment vis-à-vis des exigences de la commission européenne, François Hollande ne fait que reprendre les arguments qu’ont tenté de faire valoir avant lui Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac. Si la France ne respecte pas les critères de convergence de Maastricht, elle juge que devraient être pris en compte les investissements qu’elle consent à son instrument militaire, atout qui lui permet de défendre ses intérêts, mais aussi ceux de l’Union Européenne dans les zones de crise. Elle estime justifié qu’un tel effort soit pris en considération de la part des autres Etats membres qui, en dehors du Royaume-Uni, ont baissé la garde du point de vue budgétaire pour confier leur défense au bon vouloir des Etats-Unis via l’OTAN. La France peut faire valoir qu’elle est toujours seule en première ligne lorsqu’il s’agit de combattre en Libye, au Mali, en République Centrafricaine, les autres Etats de l’UE, hormis la Grande-Bretagne, se contentant d’envoyer quelques dizaines d’hommes seulement, personnels assurant des fonctions de formation et de logistique, c’est-à-dire des missions très marginales sans aucun risque de pertes humaines, ou, au mieux, comme dans le cas de la Libye, des missions de supériorité aérienne alors que l’aviation libyenne est depuis longtemps clouée au sol. Seule puissance nucléaire de l’UE totalement indépendante du point de vue de la conception et de l’usage de ses armes, Paris estime par ailleurs que son arsenal atomique est une garantie de sécurité supplémentaire profitant à tous les membres de l’Union européenne.
François Hollande, engagé dans un bras de fer avec Bruxelles qui exige de sa part 30 milliards d’économies supplémentaires, a donc eu raison de profiter de cette visite de M. Stoltenberg pour inviter à son tour ses homologues européens à un peu plus de volontarisme politique. Certes la France ne consacre pas réellement 2% de son PIB aux missions de défense si l’on retire des chiffres du budget de la défense des postes de dépense n’ayant qu’un impact opérationnel mineur, telles les missions relevant du secrétariat d’Etat aux anciens combattants. L’investissement réel varie suivant les calculs entre 1,5 et 1,88% du PIB. Mais elle possède cependant une force armée performante, ayant fait ses preuves à de multiples reprises au combat, ce qui, hormis les Britanniques, n’est plus le cas des autres Etats européens, qui n’entendent pas du tout relever leurs dépenses militaires.
Ce qui nous amène au second point du discours de François Hollande, l’appréciation des «différentes menaces» par les membres de l’UE et de l’OTAN.
Quelles sont ces menaces ? Il est possible, si l’on s’en réfère aux déclarations des responsables politiques et militaires européens, d’identifier deux périls majeurs.
Le premier est la multiplication des actes terroristes perpétrés par les islamistes radicaux en Europe et la montée en puissance de l’Etat islamique, qui contrôle maintenant une partie de la Libye, à 350 kilomètres seulement des côtes européennes. Pour le combattre il faut une coopération internationale accrue entre services de renseignement –dans laquelle la Russie a son rôle à jouer- un renforcement des moyens des forces de l’ordre, des capacités de projection de forces performantes.
Le second est la résurgence de la guerre froide dans le prolongement de la crise ukrainienne avec, à long terme, le risque d’un conflit de haute intensité en Europe de l’est entre l’OTAN et la Russie. Dans ce cas, la réaction de l’OTAN et de l’UE devrait être simple : il faudrait rétablir un effort de défense similaire à celui qui prévalait jusqu’à la Perestroïka et à la fin de la guerre froide. On reproche au Kremlin de moderniser ses forces armées, que l’on présente comme une menace de plus en plus palpable pour les Baltes, Polonais et Scandinaves. En bonne logique, un tel péril devrait signifier la mise en place d’un plan de réarmement massif faisant la part belle aux plateformes de combat lourdes, chars d’assaut, avions, hélicoptères et navires de combat.
Or que constatons nous ? Au printemps 2014 l’Allemagne a annulé la commande d’une nouvelle tranche de 37 avions de combat Eurofighter, appareils qui auraient enfin été dotés d’une réelle capacité air-sol, cruciale en cas de conflit conventionnel en Europe. Les groupes de défense allemand et français Krauss-Maffei-Wegmann et Nexter, qui envisagent de fusionner, ont par ailleurs annoncé un projet de char lourd susceptible de rentrer en service en…2025-2030. Alors que les armées françaises et allemandes disposent d’un total de 600 chars d’assaut, dont la majorité ne sont pas opérationnels et dont le tiers est conservé sous cocon, il semble donc que les responsables politiques et militaires français et allemands ne croient guère à une agression russe… Entre les déclarations alarmistes et l’appréciation objective des faits, il y a de toute évidence un formidable écart à Paris comme à Berlin.
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