«Pas de risque»,«incidents isolés» : Londres reprend ses exportations d'armes vers l'Arabie saoudite

«Pas de risque»,«incidents isolés» : Londres reprend ses exportations d'armes vers l'Arabie saoudite© Tolga AKMEN Source: AFP
La secrétaire britannique au Commerce international Elizabeth Truss arrive au 10 Downing Street le 17 mars 2020 (image d'illustration).
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Un an après la suspension des ventes d’armes suspectées d’être utilisées dans des crimes de guerre au Yémen par l’Arabie saoudite, le Royaume-Uni a repris ses exportations vers Riyad, après avoir conclu qu'il ne s'agissait que d'«incidents isolés».

La secrétaire d'Etat au Commerce international britannique Elizabeth Truss a annoncé le 7 juillet, dans un communiqué de presse, que le Royaume-Uni délivrerait à nouveau des licences d'exportation d'armes à l'Arabie saoudite, tout en reconnaissant que Riyad pourrait les utiliser pour commettre des crimes de guerre, notamment au Yémen.

Le gouvernement va désormais commencer à rattraper le retard dans la délivrance des licences [de vente d'armes] à l'Arabie Saoudite

«Il n'y a pas de risque évident que l'exportation d'armes et d'équipements militaires vers l'Arabie saoudite soit utilisée pour commettre une violation grave du droit international humanitaire», a déclaré la ministre. Et d'ajouter : «Le gouvernement va désormais commencer à rattraper le retard dans la délivrance des licences [de vente d'armes] à l'Arabie Saoudite et à ses partenaires de la coalition, qui s'est accumulé depuis le 20 juin de l'année dernière.»

Pas de crimes de guerre mais des «incidents isolés» d'après Londres

Le choix du Royaume-Uni de relancer ses ventes d'armes avec son allié stratégique du Moyen-Orient intervient un an après une décision historique de la Cour d'appel britannique, prise le 20 juin 2019, qui interdisait de telles ventes à Riyad, de crainte que ces équipements ne soient utilisés dans la très décriée guerre au Yémen, qui a fait depuis 2015 plusieurs dizaines de milliers de morts dont de nombreux civils.

Le jugement en question ordonnait uniquement la suspension de l'octroi de nouvelles licences d'exportation d'armes vers l'Arabie saoudite, et non l'arrêt immédiat de toute exportation d'armes vers le royaume wahhabite.

La Cour d'appel reprochait notamment au gouvernement britannique de ne pas avoir analysé sérieusement des incidents spécifiques au Yémen pour savoir s'ils constituaient des violations du droit international humanitaire ou non.

En réponse, le Royaume-Uni a pris la décision de réexaminer les violations présumées de l'Arabie saoudite à l'égard du Yémen avec de nouveaux critères. Malgré la découverte de certaines violations «possibles» du droit international humanitaire et de certains «incidents préoccupants crédibles», Londres a conclu qu'il s'agissait d'«incidents isolés» et qu'il n'y avait pas de «schémas, tendances ou faiblesses systémiques» dans l'approche saoudienne. Elizabeth Truss a ainsi affirmé, toujours dans le communiqué de presse, que malgré des violations potentielles, l'Arabie saoudite avait une «intention réelle» et une «capacité de se conformer au droit international humanitaire».

Une nouvelle liste noire de 49 personnes et organisations

Cette annonce a eu lieu au lendemain de la mise en place de sanctions décidées par Londres, dans le cadre d'un nouveau mécanisme visant punir les violations des droits humains.

En effet, le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Dominic Raab, a instauré le 6 juillet un «régime de sanctions mondiales» ciblant «les personnes ayant commis les violations les plus graves des droits de l'homme». 

Avec une liste noire de 49 personnes et organisations, dont 25 Russes et 20 Saoudiens, Londres, centre international majeur pour les grandes fortunes de la planète, cherche à faire taire certaines critiques l'accusant de fermer les yeux sur la provenance des capitaux étrangers dépensés dans la capitale britannique. 

L'ambassade russe à Londres a immédiatement réagi dans un communiqué de presse, avertissant qu'elle «se gardait le droit de prendre des mesures de rétorsion en lien avec la décision inamicale du Royaume-Uni», regrettant également une mesure qui «ne va pas améliorer les relations entre les deux pays».

La liste inclut également des Saoudiens soupçonnés d'avoir joué un rôle dans l'assassinat en 2018 du journaliste saoudien Jamal Khashoggi à Istanbul. Ce meurtre avait plongé l'Arabie saoudite dans l'une de ses pires crises diplomatiques et terni l'image du prince héritier Mohammed ben Salmane, désigné par des responsables turcs et américains comme le commanditaire du meurtre.

Des organisations humanitaires et l'ONU ont par ailleurs accusé les forces dirigées par l'Arabie saoudite d'avoir enfreint le droit international humanitaire, notamment en bombardant des écoles, des hôpitaux ou encore des infrastructures alimentaires au Yémen depuis le début de la guerre avec les rebelles houthis en 2015.

Dans une déclaration mise en ligne le 2 juin 2020, la directrice générale de l'UNICEF, Henrietta Fore, a insisté : «Presque chaque enfant au Yémen – 12 millions – [a] aujourd'hui besoin d'une aide humanitaire.» «Des millions pourraient mourir du choléra et de la diarrhée parce que leurs familles n'ont pas l'eau, l'assainissement et l'hygiène dont elles ont besoin. Les écoles, les hôpitaux, l'eau, la nutrition – tous les systèmes dont les enfants ont besoin s'effondrent», a-t-elle rappelé, qualifiant la situation au Yémen de «pire crise humanitaire du monde».

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