Que retenir des élections législatives historiques au Royaume-Uni ?

Que retenir des élections législatives historiques au Royaume-Uni ?© Stefan Rousseau / POOL Source: AFP
Le Premier ministre conservateur Boris Johnson salue son équipe de campagne à son arrivé au 10 Downing street à Londres, le 13 décembre 2019.
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Boris Johnson vient de remporter les élections générales anticipées du 12 décembre, avec une très large majorité, lui permettant de réaliser le Brexit dès le 31 janvier. De son côté, le Labour a essuyé sa plus lourde défaite depuis 1935.

Le Premier ministre sortant et chef de file du Parti conservateur, Boris Johnson, sort grand vainqueur des élections générales anticipées qui se sont déroulées le 12 décembre au Royaume-Uni. A contre-pied des sondages, les Tories ont obtenu une très large majorité absolue en remportant 365 sièges (317 en 2017) sur les 650 de la Chambre des Communes. Boris Johnson a donc les mains libres pour réaliser sa promesse de Brexit, prévu le 31 janvier. Le Parti travailliste de Jeremy Corbyn essuie quant à lui le pire résultat aux élections législatives depuis 1935, avec 203 circonscriptions remportées (262 en 2017), et s’apprête à vivre des heures difficiles.  

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Résultats des élections générales britanniques de 2019, par circonscriptions. En rouge : Parti travailliste ; bleu : Parti conservateur ; jaune : SNP ; orange : Lib-Dem ; vert foncé : Sinn Féin ; vert : Plaid Cymru ; vert clair : Social Democratic and Labour Party ; marron :Parti unioniste démocrate

Victoire historique des Tories et du Brexit

Alors que la majorité des médias mainstream français – ainsi que bon nombre de politiques de l’hexagone – craignaient de voir le Royaume-Uni quitter l’Union européenne (UE), et expliquaient que les Britanniques regrettaient leur vote de 2016 au point de vouloir un nouveau référendum sur le sujet, ceux-ci les ont déjugés et ont finalement massivement voté pour Boris Johnson et le Brexit.

Après plus de trois ans de tumultes et d’inertie sur le Brexit, voté par 52% des Britanniques lors du référendum de 2016 mis en place par l’ancien Premier ministre conservateur David Cameron, Boris Johnson a déclaré devant ses partisans : «Je vais mettre fin à ces absurdités et nous allons le réaliser à temps d’ici au 31 janvier.»

Sa victoire écrasante aux législatives montre, selon lui, la «décision irréfutable, irrésistible et incontestable» des Britanniques de tourner définitivement le dos à l'UE après 47 ans d'un mariage houleux.

Avec 364 sièges, 43,6% des votes soit 13 941 200 bulletins en leur faveur, les Tories n'avaient plus exercé un tel contrôle sur la Chambre des Communes depuis Margaret Thatcher en 1987, notamment grâce à la conquête de circonscriptions ouvrières détenues depuis des décennies par les travaillistes.

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Les partis pro-Brexit ont remporté une très large majorité de sièges

Ce «nouveau mandat fort [...] donne à ce nouveau gouvernement l'occasion de respecter la volonté démocratique du peuple britannique», a souligné Boris Johnson, réélu dans la circonscription d'Uxbridge et South Ruislip, à l'ouest de Londres. Il a même évoqué un «tremblement de terre» qui redessine le paysage politique, avant de se rendre à Buckingham Palace, ce 13 décembre, afin d’être renouvelé au poste de Premier ministre par la reine Elizabeth II.

Le dirigeant britannique a été félicité, sur Twitter, par le président américain, Donald Trump, dont il est un soutien fidèle depuis son investiture en 2017. Le président américain s’est réjoui que les Etats-Unis et le Royaume-Uni pourraient désormais mettre en place «un nouvel accord commercial massif après le Brexit», «potentiellement beaucoup plus gros et plus lucratif que n'importe quel accord qui pourrait être conclu avec l'Union européenne». 

A Bruxelles, où les dirigeants européens sont réunis en sommet, la France a salué une «clarification». Et l'UE s'est dite «prête» à passer à la phase suivante, selon le nouveau président du Conseil européen Charles Michel, celle des difficiles négociations sur la relation commerciale, que Boris Johnson voudrait conclure avant la fin 2020. 

Labour : pires résultats depuis 1935

Cette élection est en revanche une énorme claque pour le Labour et son chef de file, Jeremy Corbyn. «Très déçu» et désormais sur un siège éjectable, celui-ci a annoncé qu'il ne conduirait pas le parti aux prochaines élections, tout en souhaitant voir les travaillistes entamer une «réflexion sur le résultat du scrutin et sur sa future politique». Maigre consolation, il a été élu pour la dixième fois dans la circonscription londonienne d'Islington nord.

Jeremy Corbyn semble avoir payé sa position ambiguë sur la sortie de l'UE. En effet, il voulait renégocier un nouvel accord de divorce, plus social, puis le soumettre aux Britanniques avec comme alternative le maintien dans l'UE, sans lui-même prendre position.

Le bras droit de Jeremy Corbyn, John McDonnell, a jugé, dès le 12 décembre, d’«extrêmement décevante» la lourde défaite de son parti, l’expliquant par «la fatigue du Brexit». «Il semble que le sujet du Brexit ait dominé. […] Les gens veulent en finir», a-t-il analysé sur Sky News.

Le camp anti-Brexit s’effondre en sièges mais pas en voix

Autre enseignement de ce scrutin qui pourrait contribuer à rendre difficile la vie politique interne du Royaume-Uni : depuis la partition de l’Irlande en 1921, c’est la première fois que les nationalistes d'Irlande du Nord compteront plus d’élus que leurs adversaires, les unionistes.

Autre résultat surprenant, le chef du Parti libéral démocrate (Lib-Dem), formation pro-UE et deuxième parti de gauche britannique, a perdu son siège de député lors des élections législatives. Jo Swinson, qui avait promis «d'annuler» le Brexit si elle était élue, a été battue dans la circonscription d'East Dunbartonshire, dans l'ouest de l'Ecosse, par le candidat indépendantiste écossais du SNP (Scottish National Party).

Au niveau national, son parti, qui se présentait comme le seul réellement déterminé à stopper le Brexit, a échoué à séduire les europhiles des camps conservateurs et travaillistes. Les Lib-Dems étaient pourtant arrivés à la deuxième place aux élections européennes de mai dernier, obtenant 20,3% des voix, derrière le Parti du Brexit de Nigel Farage, qui a récolté 31,6% des suffrages. Ainsi, leur promesse d'annuler le Brexit sans nouveau référendum a été jugée antidémocratique même parmi les europhiles. Et le mode de scrutin (uninominal majoritaire à un tour) n'a pas joué en leur faveur.

Seuls les nationalistes écossais du SNP tirent leur épingle du jeu, progressant nettement à 48 sièges sur les 59 disponibles en Ecosse. Nicola Sturgeon, chef de file du SNP et du gouvernement local, souhaite désormais organiser un nouveau référendum d’autodétermination, afin de quitter le Royaume-Uni. «Il y a maintenant un mandat en vue d’offrir au peuple écossais le choix de son propre avenir», a-t-elle déclaré à la chaîne de télévision Sky News. «Boris Johnson a peut-être reçu un mandat pour faire sortir l’Angleterre de l’Union européenne. Il n’a absolument pas le mandat de faire sortir l’Ecosse de l’Union européenne. L’Ecosse doit avoir le choix de son propre avenir».

Les partis politiques britanniques anti-Brexit, ou en faveur d’un second référendum sur cette thématique, peuvent néanmoins se réjouir d’avoir obtenu beaucoup plus de votes que les partis pro-Brexit.

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Les partis politiques britanniques anti-Brexit ont reçu beaucoup plus de voix que ceux du camp pro-Brexit en remportant 52% des votes.

Le pacte de non-agression décisif du Brexit Party

De son côté, Nigel Farage, chef de file du Brexit Party (BP) et député européen, avait annoncé le 11 novembre qu’il n’alignerait pas ses candidats dans les 317 circonscriptions remportées par le Parti conservateur lors des élections générales de juin 2017. L’ancien leader de l'UKIP (United Kingdom Independance Party), partisan du «Leave» sous forme d’un hard Brexit, a ainsi présenté des candidats uniquement dans les circonscriptions détenues par le Parti travailliste.

Cette décision, qui s'apparente à un soutien indirect de Nigel Farage à Boris Johnson, était aussi inattendue que capitale dans l’obtention des 365 sièges conservateurs au Parlement, afin de pouvoir enfin voter l'accord négocié avec Bruxelles. Si le BP, fondé en février 2019, n’avait que très peu de chances de réaliser d’importants résultats lors des élections du fait du mode de scrutin, les Tories n’en étaient pour autant pas moins inquiets. Ils craignaient en effet que le BP ne sape les assises des candidats du Parti conservateur et ne divise les électeurs pro-Brexit, notamment dans les circonscriptions aux pronostics serrés avec le Parti travailliste.

C'est cette crainte qui a fini de convaincre un Nigel Farage pourtant bien décidé initialement à concurrencer le Parti conservateur, au motif que ce dernier n'avait pas intégré dans l’accord sa vision plus radicale sur le Brexit. «Placer le pays avant le parti», c'est dans ces termes qu'il a donc annoncé sa décision de «ne pas s'opposer à Boris Johnson». Une alliance de dernière minute qui assurait, selon le chef de file du BP, d'éviter un «parlement minoritaire et [un] second référendum». «Je viens de donner au Parti conservateur presque deux douzaines de sièges, et je l'ai fait parce que je crois en le Leave», avait encore expliqué Nigel Farage, le 12 novembre au micro de la BBC. Une stratégie qui aura finalement payé. Peut-être même au-delà de ses espérances.

Lire aussi : «Placer le pays avant le parti»: Farage renonce à défier les conservateurs dans 300 circonscriptions

Alexandre Job

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