Beyrouth : deuxième jour de troubles à cause de la non évacuation des ordures depuis un mois (VIDEO)
A Beyrouth, la police a une nouvelle fois utilisé des gaz lacrymogènes dimanche pour disperser une manifestation dont le but est de fustiger les autorités incapables d’organiser l’évacuation des ordures ménagères depuis près d’un mois.
La raison pour laquelle des milliers d’habitants sont descendus dans la rue, c’est un dysfonctionnement des autorités qui a abouti à un empilement des ordures dans les rues.
Les affrontements entre la police et les manifestants ont repris dimanche soir dans le quartier de Riad al-Solh près du palais du Grand Sérail (Palais du gouvernement) où 10 000 personnes s’étaient rassemblées.
La manifestation a commencé de manière pacifique jusqu’à ce qu’un groupe de jeunes tente d’enlever les barbelés qui protégeaient le quartier, a fait savoir un journaliste de l’agence TASS. Après quoi la police a recouru à l’utilisation de canons à eau et de gaz lacrymogènes pour forcer les manifestants à reculer.
Un témoin a indiqué à Reuters que des coups de feu avaient retenti précisant que les forces de l’ordre avaient tiré en l’air afin d’éloigner les manifestant des bâtiments gouvernementaux. Mais cela n’a pas empêché la foule de continuer à jeter des pierres et des bouteilles sur la police qui est restée à l’abri, derrière les barrières de protection.
URGENT: Police mostly clear downtown #Beirut of protesters http://t.co/XArN4mqhTApic.twitter.com/JBQIEJyh7O
— RT (@RT_com) 23 августа 2015
Plus tôt dans la journée, le Premier ministre libanais Tammam Salam a qualifié la force utilisée contre les manifestants d’«abusive» et a promis que ceux qui sont responsables en rendront compte. «Je préviens que nous nous dirigeons vers l’échec si cette affaire continue. A vrai dire, je ne fais pas et je ne ferai pas partie de cet échec. Laissons tous les fonctionnaires comme les forces politiques prendre leurs responsabilités», a déclaré le ministre dimanche à la télévision.
Cette nouvelle manifestation intervient un jour après celle qui a eu lieu samedi pour la même raison. Hier, les affrontements entre forces de l’ordre et manifestants avaient fait 30 blessés, dont un agent de police, ont annoncé les autorités libanaises. Une dizaine de fauteurs de troubles ont été arrêtés.
#Lebanon: Protest of garbage crisis turns to rejection of current political system, police violently repress. #Beirutpic.twitter.com/AXkChJ7OOB
— ѕyndιcalιѕт (@syndicalisms) 22 Août 2015
Dans une interview à RT, l’expert du Moyen-Orient Paul Heroux a prévenu que les djihadistes pourraient profiter de l’occasion si le Liban s’enfonce dans des troubles plus profonds. «C’est que l’Etat islamique se nourrit des gouvernements faibles, on a déjà pu le constater en Syrie et en Irak», a-t-il expliqué.
D’après lui, une telle escalade ne sera possible que si le gouvernement libanais continue à perdre de son pouvoir et de son influence et que la police continue à agir de manière abusive contre la population. «Là, on pourra sûrement voir Daesh venir et essayer de combler le vide laissé par le gouvernement», a conclu Paul Heroux
La manifestation de samedi avait déjà dégénéré
Lors de la manifestation de samedi, des affrontements avec les forces de l’ordre ont fait 30 blessés, dont un agent de police, ont annoncé les services libanais de secours. Tous ont été transportés à l’hôpital alors que quelques dizaines de manifestants auraient été arrêtés.
Pour calmer les plus virulents des manifestants, la police a recouru aux balles en caoutchouc et aux coups de matraque. Mais en fin de compte, l’utilisation de canons à eau s’est avérée nécessaire pour refroidir l’ardeur des éléments les plus violents.
C’est la plus grande explosion de violence depuis que les ordures ont commencé à s’entasser dans les rues de la capitale, il y a un mois, après la fermeture de la décharge principale de la ville. Mais la colère des manifestants semble avoir des origines plus profondes au vu des slogans hostiles au pouvoir, allant jusqu’à demander sa démission, qu’ils ont scandé à cette occasion.
«Le peuple veut renverser le régime», criaient-ils. Un slogan identique à celui qui a été largement utilisé par les personnes qui manifestaient lors des «printemps arabes» partout dans la région. «Il y a des déchets qui ne peuvent pas être recyclés», disait l’une des bannières, écrite en rouge sur des portraits photos des hommes politiques libanais.
Le groupe «Vous empestez !», qui déplore l’importance de la corruption dans le pays, était l’un des organisateurs de cette manifestation. Il estime que cette crise des déchets est l’illustration des dysfonctionnements qui démontrent que les autorités et l’administration doivent être remplacées.
#Beirut#Lebanon#طلعت_ريحتكمpic.twitter.com/qmbgfsBNFG
— ѕyndιcalιѕт (@syndicalisms) 22 Août 2015
D’autres manifestants ont été surpris par l’action de la police. «Les manifestants n’étaient pas violents et n’ont pas non plus laissé croire qu’ils pourraient le devenir», a confié l’un d’eux au Daily Star. Une autre manifestante était venue au rassemblement avec ses deux enfants et, selon elle, «on ne pouvait pas penser qu’ils agiraient de façon aussi violente».
Le problème des ordures dans la capitale libanaise est devenu critique : quelques habitants de la capitale ont déjà commencé à les brûler dans les rues, alors que d’autres se sont mis à jeter les déchets dans les collines et rivières voisines, ce qui a fait dire au ministre de la Santé qu’une catastrophe environnementale était possible.
#Lebanon: Images from protest and police repression today in #Beirut. #YouStink Photos: @thekarimphotopic.twitter.com/X9AILBvCe5
— ѕyndιcalιѕт (@syndicalisms) 23 Août 2015
Les organisations des droits de l’homme prêtent attention à cette crise, en condamnant les autorités du pays. Selon Human Rights Watch, la violence policière contre «la manifestation pacifique… n’a pas respecté les standards des droits de l’homme».
«Les autorités doivent ouvrir tout de suite une enquête impartiale, déterminer les responsabilités pour qu’il n’y ait plus d’utilisation excessive de la force», a estimé Human Rights Watch dans une déclaration.
Some funny shots from today's protest. Typical Lebanese.
#Beirut#طلعت_ريحتكمpic.twitter.com/zonevY37eg
— Rana Harbi (@RanaHarbi) 22 Août 2015
La crise des déchets au milieu de la crise politique
Dans le même temps, l’équilibre politique reste très instable au Liban. Depuis plus d’un an, le pays n’a plus de président mais c’est un gouvernement d’unité nationale qui le dirige. Au parlement, les sièges se répartissent entre 18 groupes religieux et la situation est tellement explosive que le parlement a même prolongé le terme des élections parlementaires jusqu’en 2017.
Il faut dire que plusieurs menaces guettent aux frontières du Liban. La Syrie, son voisin traverse une guerre civile destructrice depuis quatre ans et dans le même temps, les terroristes de Daesh élargissent leur territoire. Pour Abayomi Azikiwe, le rédacteur en chef de la chaîne d'information Pan-African, la situation pourrait encore empirer facilement.
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Selon l’expert, le vacuum politique à la tête de l’Etat libanais est lié à la situation en Syrie. A cause de cette guerre civile, les élections parlementaires ont été reportées, car «quelques partis soutiennent les rebelles alors que d’autres sont en faveur de Bachar el-Assad», estime Abayomi Azikiwe. Leur affrontement ne pourrait donc que mener à une nouvelle crise politique aiguë au Liban, à laquelle les autorités actuelles ne seront pas en mesure de remédier, estime-t-il.