Petit-fils du président Truman : les Etats-Unis ne présenteront jamais leurs excuses pour Hiroshima
Le petit-fils de l’homme qui a donné l’ordre de largage des bombes nucléaires sur Hiroshima et Nagasaki il y a 70 ans se rappelle comment il est devenu militant pour un monde sans armes atomiques.
Clifton Truman Daniel est le fils du seul enfant d’Harry Truman - l'auteure de science-fiction Margaret Truman et Clifton Daniel qui était le directeur général du New York Times. Clifton n’a découvert que son grand-père était le président des Etats-Unis que lorsqu’il est entré à l’école, a-t-il dit dans une interview à la chaîne documentaire RTD.
Daniel a appris que les Etats-Unis ont lancé deux bombes nucléaires sur le Japon pendant la guerre à partir de livres d’histoire, et durant de nombreuses années il n’a ressenti aucun lien personnel avec ces événements cruciaux du 20ème siècle.
«Le recours à ces deux bombes a été déterminant. Elles ont mis un terme à la guerre. Elles ont sauvé des milliers de vies des deux côtés et c’était, d’après mon grand-père, la raison de sa décision. Ecourter cette guerre et sauver des vies américaines, qui auraient invariablement été perdues dans une invasion des îles principales. J’y pensais d’abord de la même façon, jusqu’à ne plus y penser du tout, car cela faisait partie du passé», s’est-il souvenu.
Son attitude a changé le jour où son fils lui a apporté un livre d’école racontant l’histoire de Sadako Sasaki, survivante du bombardement d'Hiroshima à l’âge de deux ans, avant de périr neuf années plus tard d’une leucémie provoquée par les radiations.
Une légende japonaise promet que quiconque parvient à faire 1 000 grues en origami verra son voeu accompli. Alors que Sasaki luttait contre la maladie, elle faisait des grues en origami dans l’espoir de guérir. Elle est morte en 1955, sans que son souhait ne soit exaucé.
«Comme je l’ai dit plus tôt, mon livre parlait de chiffres, de logique, d’avions et de mégatonnes. Il n’y avait rien sur ce qui s’est passé avec ces petites filles», a souligné Daniel. «Au début je n’y pensais presque pas du tout jusqu’à être confronté un jour à la réalité, que des gens ont perdu leurs vies de façon horrible et cela m’a changé».
Daniel est devenu le premier membre de la famille de Truman à se rendre au Japon où il a pris part aux cérémonies commémoratives des bombardements en 2012. Il a été invité par le frère aîné de Sadako, Masahiro Sasaki.
Il a connu quelques moments difficiles durant sa visite, s’est-il rappelé. Par exemple quand il a été interviewé par un journaliste japonais, qui lui a demandé à plusieurs reprises s’il allait présenter ses excuses pour la décision de son grand-père, ce qu’il n’a pas fait. «Je ne pense pas qu’il y aura jamais d’excuses. Peut-être les deux pays peuvent trouver des mots qui les réunissent pour dire : “Vous savez, nous reconnaissons que beaucoup de mal a été fait aux deux parties, nous l’admettons et à l'avenir nous promettons de ne pas refaire quelque chose comme ça“ mais pour le moment il y a cette impression que les Etats-Unis ne demanderont jamais pardon au Japon, ni dans le sens inverse», a-t-il expliqué.
Harry Truman a agi de bonne foi et pensait sauver beaucoup de vies américaines, a dit Daniel. C’était une préoccupation majeure pour le président qui a connu les champs de bataille de la Première Guerre mondiale et connaissait la valeur de la vie des soldats, a-t-il expliqué.
Il reconnait que la controverse concernant la décision de son grand-père est toujours présente, certains pensant que le recours à la bombe atomique n’était pas nécessaire.
«La réelle question à laquelle nous continuons d’essayer de trouves des réponses, sans succès, c’est de savoir si cela a en fait arrêté la guerre. Certains disent «non», le Japon aurait capitulé de toute façon ; d’autres disent qu’ils n’auraient pas capitulé, cela les a arrêté net», a dit Daniel. «Mais nous ne pouvons pas le savoir avec certitude parce que nous l’avons fait et la guerre a pris fin, donc nous ne savons pas ce qui aurait pu se dérouler».
«Je pense que les Américains peuvent continuer à contempler cette décision en se disant que cela a été fait pour de bonnes raisons», a-t-il ajouté. «Ils peuvent aussi regarder le prix payé. Ils peuvent avoir de l’empathie. Cela n’enlève rien».