Procès en Libye : les accusés privés d'avocat
L'association Human Right Watch a pointé du doigt de sérieuses violations de procédures, dans le procès des 32 fonctionnaires de l'ère Kadhafi.
C'est un procès de plus d'un an qui vient de prendre fin, avec un verdict condamnant à mort neuf des 32 accusés et en envoyant 23 en prison, pour des peines allant de cinq ans à la perpétuité. Un verdict lourd, sensé asseoir l'autorité de la Cour d'assise de Tripoli, mais qui est aujourd'hui contesté pour des raisons de vice de procédure. D'après Human Right Watch (HRW), une ONG qui défend les droits de l'homme, le procès a été entaché par des faux-semblants de justice que rendent invalide la sentence.
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«le procès a été gangrène par des allégations crédibles de non-respect des procédures sensées garantir l'indépendance et l'impartialité de la justice», a affirmé le directeur adjoint de HRW pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, Joe Stork. Le premier chef d'accusation de l'ONG concerne le refus de la Cour d'accorder aux accusés une représentation adéquate. En d'autres termes, la présence d'un avocat au côté de chaque accusé a été entravée. Plusieurs avocats de la défense ont annoncé avoir été empêché de rencontrer leur client en privé. Un des condamnés à mort, Abuzaïd Dorda, un ancien Premier ministre de Kadhafi, a affirmé que deux de ses avocats avaient démissionné après avoir reçu des menaces.
Libya: Flawed Trial of Gaddafi Officials http://t.co/bN5AptFFAC
— Human Rights Watch (@hrw) 28 Juillet 2015
Les avocats de la défense indiquent aussi ne pas avoir eu accès au dossier complet d'accusation et avoir manqué de temps pour préparer leur plaidoiries et rassembler de potentiels témoins. D'après d'autres condamnés, tels que le fils du dictateur déchu Saïf al-Islam Kadhafi, affirment ne pas avoir eu d'accès à leurs avocats durant les phases préliminaires au procès, telles que les interrogatoires. Également condamné à mort, le fils Kadhafi n'a pu assister qu'à trois des 24 sessions du procès, étant détenu à l'est de la Libye, dans une région sur laquelle le contrôle de Tripoli est limitée.
Selon HRW, l'accès du public au procès a, lui aussi, été hautement limité. Les représentants des Nations Unis n'ont pu assister qu'aux premières sessions avant de quitter le pays pour des raisons de sécurité. HRW n'a eu accès qu'à la première séance du procès et les seuls les médias jugés sympathisants ont été autorisés par les autorités à retransmettre du contenu.
Gaddafi son & ex intelligence chief Sanussi sentenced to death after flawed #Libya trial: http://t.co/OV0yWkMRLH#ICCpic.twitter.com/dIImXTDy2J
— Balkees Jarrah (@balkeesjarrah) 28 Juillet 2015
Des viols de procédures qui salissent la mémoire des victimes
Les tâches que ces manquements au protocole judiciaire ont laissé sur la procédure risquent de remettre en question l'ensemble du travail accompli, à commencé par jugement. Après plus d'un an de procès, qui s'est ouvert en mars 2014, c'est à la Cour suprême de Libye que va revenir la besogne de prendre les décisions finales. Alors que le dossier doit revenir à cette institution, la plus haute autorité judiciaire du pays, c'est l'ensemble de la procédure qui va devoir être revue de manière indépendante, ce qui peut mener à une rectification, voire une annulation du verdict.
#Libye Saïf Al-Islam Kadhafi a été condamné à la peine capitale pour crimes de guerre et la répression sanglante des manifestations de 2011
— tounsiahourra (@tounsiahourra) 28 Juillet 2015
Pour HRW, le non-respect de la procédure judiciaire est une entrave à la justice. Non seulement pour les accusés, mais aussi pour leur victimes. «Les victimes des crimes terribles perpétrés pendant le soulèvement de 2011 méritent justice», affirme Joe Stork, ajoutant que «elle [la justice] ne peut être rendue qu'à travers une procédure juste et transparente».
Les 32 individus assis sur le banc des accusés répondaient à des charges diverses, notamment de crimes de guerre. Parmi les neuf condamnés à mort se trouvent Saïf al-Islam Kadhafi, le fils du dictateur déchu Mouammar Kadhafi, deux de ces anciens Premiers ministres et le chef de ses services de renseignement. La Cour Pénale Internationale (CPI), qui siège à La Haye (Pays-Bas), avait ordonné l'extradition des accusés de Libye afin de les juger selon le droit international. La Libye avait refusé, souhaitant que le procès se déroule sur son sol.
#Libye: Seif al-Islam #Kadhafi, recherché par la #CPI, condamné à mort http://t.co/h1r0TIGV5x
— CCPI (@_CICC_fr) 28 Juillet 2015