Sortie de l’état d’urgence sanitaire : critiqué par les oppositions, le texte arrive au Sénat

Sortie de l’état d’urgence sanitaire : critiqué par les oppositions, le texte arrive au Sénat© Stephane de Sakutin Source: AFP
Cliché pris dans hémicycle lors de l'examen du projet de loi organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire, le 17 juin 2020, à l'Assemblée nationale, à Paris (image d'illustration).
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Après avoir été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 17 juin, le projet de loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire sera soumis au Sénat à partir du 22 juin malgré les nombreuses réserves de l'opposition.

Alors que le gouvernement a lancé la troisième phase du déconfinement le 15 juin, le texte permettant la sortie de l’état d’urgence sanitaire suite au Covid-19 poursuit son périple parlementaire. Il a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale grâce au concours des députés LREM, MoDem et Agir, et ce malgré l'opposition farouche de tous les partis d'opposition.

Devant les élus du palais Bourbon, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a assuré que l'état d'urgence sanitaire allait prendre fin, tout en appelant à une «vigilance» qui devait «demeurer intacte». D’après lui, cette sortie doit être «organisée» et le fait de «ne pas conserver certaines mesures, ce serait faire comme si les risques de redémarrage [de l'épidémie] n'existaient pas». Il a insisté sur le fait que «personne n'est à l'abri», évoquant la situation de rebond de la pandémie de coronavirus observée en Chine.

Entré en vigueur le 24 mars, l’état d’urgence sanitaire permettant de restreindre certaines libertés publiques avait été prorogé au mois de mai jusqu’au 10 juillet. Mais si le gouvernement affiche sa volonté de mettre fin à cet état d’exception, deux départements – Mayotte et la Guyane – verront cette période prolongée «jusqu’au 30 octobre inclus», la circulation du virus y étant encore importante.

Toutefois, le rapporteur LREM du texte, Marie Guévenoux a prévenu : «Le droit commun n'est pas suffisant pour faire face aux dimensions extraordinaires de cette crise.» Ainsi, des restrictions sur la libre circulation des personnes, sur les rassemblements ou encore dans l’accueil du public au sein de certains établissements peuvent être appliquées jusqu’au 30 octobre sur tout le territoire. Un moyen d’après la députée de l’Essonne de «réagir très rapidement» face à de possibles nouveaux foyers de contamination.

Olivier Véran a également affirmé que, pour lui, l’essentiel de l’état d’urgence disparaissait grâce à ce texte, citant la fin du confinement, la possibilité de se rendre au restaurant ou encore la possibilité d’assister à des funérailles en compagnie de sa famille. Si un nouveau confinement devait être décrété, il faudrait en passer par un nouvel état d’urgence sanitaire.

Les oppositions opposées au texte

Si le gouvernement semble satisfait du contenu de la loi, les partis d’opposition, de droite comme de gauche, n’ont cessé de réclamer des modifications au texte, qui pour certains représente un «état d’urgence qui ne dit pas son nom».

«On a un texte de loi qui nous dit que c’est la fin de l’état d’urgence mais qui en fait par différentes mesures prolonge cette période avec des réglementations et des interdictions d’aller et de venir, du droit de manifester. Tout cela nous parait vraiment à contre-courant, dangereux et liberticide», a fait valoir le député LR Philippe Gosselin, également vice-président de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, au micro de notre journaliste Lilaafa Amouzou.

Le député PS de l’Ardèche, Hervé Saulignac, a fustigé un «numéro de bonneteau» qui maintient selon lui «l’essentiel» de l’état d’urgence sanitaire. Il a demandé un «un rétablissement plein et entier du droit commun». «Vous prolongez tout bonnement un état d'urgence qui ne porte pas son nom, sous un titre subtilement choisi et redoutablement trompeur», a-t-il ajouté devant l’hémicycle.

Le député centriste de la Marne, Charles de Courson, y a lui vu une volonté du gouvernement de vouloir faire taire les mouvements sociaux à venir. «Tout le monde sait que la rentrée socialement va être difficile et vous nous proposez un texte susceptible d’être utilisé afin d’interdire [les rassemblements] C'est un grand sens politique que de faire cela», a-t-il fait valoir avec une ironie non dissimulée.

Dernier problème mis en lumière par les députés opposés au texte : la possibilité de conserver certaines données collectées par les systèmes d’information de santé au-delà du seuil de trois mois fixé au départ. «Le gouvernement veut revenir sur des engagements qui ont été pris […] L’ordre des médecin s’est exprimé sur ce sujet […] en disant qu’il y avait une rupture de la part du gouvernement […] Ce sont des sujets suffisamment importants pour que nous ne les prenions pas à la légère», a souligné le député LR du Bas-Rhin Patrick Hetzel.

Le président de la commission des Lois du Sénat dénonce un texte «ambigu»

Le projet de loi doit maintenant prendre le chemin du palais du Luxembourg, dominé par l’opposition de droite, pour y être examiné à partir du 22 juin. Mais le président de la commission des Lois du Sénat, Philippe Bas (LR), a d’ores et déjà prévenu ne pas vouloir «proposer au Sénat d'adopter tel quel un texte qui est profondément ambigu».

C'est un état d'urgence [...] qui ne dit pas son nom et je crois qu'il faut être transparent et intellectuellement honnête dans ce qu'on fait

«Je dis attention, ou bien on sort de l'état d'urgence, et alors on en sort vraiment, ou bien on y reste, mais alors il faut le dire», a-t-il déclaré le 18 juin sur l’antenne de Public Sénat. «C'est un état d'urgence [...] qui ne dit pas son nom et je crois qu'il faut être transparent et intellectuellement honnête dans ce qu'on fait», a-t-il conclu, expliquant vouloir «chercher le moyen de permettre aux pouvoirs publics de prendre les mesures qui sont encore nécessaires».

Le texte sera examiné dans la matinée en commission et sera présenté en fin d’après-midi devant l’hémicycle pour des débats qui s’annoncent une fois de plus engagés.

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