Gilet jaune blessé à la tête à Bordeaux : un policier de la BAC mis en examen

Gilet jaune blessé à la tête à Bordeaux : un policier de la BAC mis en examen© MEHDI FEDOUACH Source: AFP
Le Gilet jaune Olivier Beziade pris en charge après sa blessure à Bordeaux.
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Le cas était devenu emblématique de l'usage contestable du lanceur de balles de défense : le Gilet jaune avait en effet été atteint à la tête alors qu'il quittait une manifestation. Le policier qui aurait effectué le tir vient d'être mis en examen.

Le policier soupçonné d'avoir tiré le 12 janvier 2019 à Bordeaux sur le Gilet jaune et pompier volontaire Olivier Beziade a été mis en examen après un an d'enquête.

Le fonctionnaire affecté en brigade anticriminalité est poursuivi pour violences volontaires avec arme ayant entraîné une interruption de travail (ITT) de plus de huit jours, par personne dépositaire de l’autorité publique ainsi que l'a annoncé son avocat Laurent-Franck Liénard. Olivier Beziade après avoir été atteint à la tête, avait subi une hémorragie cérébrale et était resté plusieurs jours dans le coma. Le parquet et l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) avaient été saisis de l'affaire.

Il s'agit d'un cas particulièrement emblématique qui avait été amplement relayé sur les réseaux sociaux et dans les médias après qu'une vidéo de la scène eut été diffusée.

Selon l'avocat du policier, toujours en fonction, celui-ci «est extrêmement affecté par les conséquences de ce tir» et de préciser : «Jamais il n’a voulu faire de mal. Il reconnaît son tir et sa responsabilité, mais il ne comprend pas comment il a pu toucher la tête. Il visait le torse.» 

Pourtant, selon une enquête vidéo menée par le journal Le Monde, le Gilet jaune quittait le lieu de la manifestation lorsqu'il a été atteint au crâne et il se tenait de côté, pas de face. De plus, comme son nom l'indique le lanceur de balle de défense est une arme à vocation défensive et pas offensive, ce qui questionne également cet usage particulier.

Mais Me Laurent-Franck Liénard a également mis en cause une potentielle «défaillance du matériel» utilisé par le policier. En l'occurrence, il s'agit d'un LBD 40x46, commercialisé par le suisse Brügger & Thomet sous la marque GL-06 (acronyme de grenade launcher, puisqu'il s'agit en réalité d'un lance-grenade), une arme de guerre de catégorie A2 en dotation pour la police nationale et la gendarmerie.

Au chapitre de la précision du tir, il conviendrait alors également d'établir quelle munition a été utilisée par le policier : la police était initialement équipée des balles de défense de l'armurier américain Combined tactical systems (CTS), mais en 2015, c'est l'entreprise française Alsetex qui a été choisie pour fournir des munitions de défense à courte portée (MDCP).

Dans tous les cas, la police française n'a pas été dotée des munitions SIR recommandées par le fabricant Brügger & Thomet, ce qui a fait dire à l'armurier au cœur de l'hiver 2018-2019 : «Les munitions utilisées en France n'ont pas été conçues, fabriquées ni livrées par B&T AG [...] En cas d'utilisation de munitions des autres fabricants, il y a le risque que la précision baisse et le risque de blessures augmente considérablement.»

Un communiqué similaire était disponible sur le stand du fabricant en question au salon Milipol à Villepinte au mois de novembre 2019 où RT France était présent. On peut y lire : «B&T sait que le LBD 40 GL-06 en combinaison avec les cartouches SIR fabriquées par nous [-même] présente une bonne précision et un faible risque de blessures. Les cartouches SIR ne sont pas employées en France.»

Auprès du Monde, Laurent-Franck Liénard précise également que son client est «formé et habilité» au maniement du LBD 40. Là encore, une question est soulevée, notamment dans un article d'Europe 1 : «En plus d'un certaine impression quant à l'impact, et aux conditions de tirs qui sont souvent dégradées, l'autre point de friction est le manque d'entraînement. D'après les membres des forces de l'ordre interrogés par Europe 1, il y en a trop peu. D'autant que l'habilitation LBD s'obtient en une journée avec présentation de l’arme, puis 3 tirs d’entraînement et 5 tirs devant l’examinateur. Il suffit alors d'avoir touché trois fois la cible. » 

Europe 1 a interrogé un policier des Compagnies républicaines de sécurité (CRS) qui a décrit les conditions d'obtention de l'habilitation à cette arme : «Par beau temps, de jour, sans stress, sans tenue de maintien de l'ordre sur le dos, en tirant en plein dans le thorax, [le projectile] a atteint la tête.» Par ailleurs, l'habilitation qui était autrefois valable trois ans s'est vue allongée d'une année en 2017, notamment par manque de formateurs et de disponibilité dans les stands de tir.

Interrogé par RT France, l'ancien commandant de police et porte-parole de l'association policière UPNI, Jean-Pierre Colombies, avait mis en cause la hiérarchie policière en octobre 2019 : «Est-ce qu'on peut attendre du tir de précision à l'identique de ce qui se ferait dans un stand de tir ? La réponse est non. C'est évident. De fait, on ne peut que juger la conséquence de l'usage de l'arme [...] Celui qui doit s'expliquer, plus que l'utilisateur même de l'arme, c'est celui qui a décidé qu'on allait définitivement utiliser ce type de munition dans le cadre du maintien de l'ordre.»

Contacté par Le Monde, le Gilet jaune Olivier Beziade qui porte encore les stigmates de sa blessure et doit vivre avec une hémiplégie faciale s'est dit satisfait de la mise en examen du policier, mais a également regretté que la hiérarchie locale ait pour le moment été tenue hors de cause dans cette affaire, qui pourrait peut-être ouvrir la voie à d'autres recours pour des personnes ayant subi des dommages irréversibles au cours de cette année de crise sociale.

Antoine Boitel

Lire aussi : LBD, munitions, grenades : les armes du maintien de l'ordre sont-elles vraiment toutes classées ?

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