Fichage de Gilets jaunes ? L'AP-HP admet avoir fait un usage «inapproprié» du fichier nominatif
Après les dernières révélations du Canard enchaîné, les hôpitaux de Paris reconnaissent avoir fourni des informations concernant les blessures des Gilets jaunes sur le fichier nominatif SI-VIC. Ils regrettent une démarche «inadéquate».
La direction de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a reconnu du bout des lèvres le 24 avril, avoir transmis sur le fichier nominatif SI-VIC des précisions de nature médicale «de manière inappropriée» concernant les blessures des Gilets jaunes.
Dans son édition du 24 avril, LeCanard Enchaîné, qui explique avoir eu accès à des données issues de ce fichier, révélait que dans la case commentaire du fichier, des précisions sur le type de blessure étaient parfois désignées, comme «Tir flash-ball : plaie arcade», ou encore «problème au poignet, suite à un coup de matraque selon le patient».
«Il apparaît que les onglets "commentaires" de l'application ont pu être utilisés pour mentionner des éléments de nature médicale», reconnait l'AP-HP dans un communiqué, qui souligne donc le caractère «inapproprié» de la démarche, avant d'affirmer qu'elle était «marginale». Interrogé par l'AFP, le directeur général adjoint de l'AP-HP a assuré que cette pratique «inadéquate» a été observée pour «plus d'une dizaine de patients» lors des trois samedis de 2019 où le dispositif (créé en 2015, initialement pour faciliter l'identification des victimes d'attentats) a été utilisé. De telles données médicales «n'avaient rien à faire» dans ce fichier, a-t-il insisté.
Le fichier SI-VIC avait, par ailleurs, été utilisé à quatre reprises fin 2018, au début du mouvement des Gilets jaunes, mais pour l'heure, la direction n'a pas recensé le nombre de fois où la case «commentaire» a pu fait l'objet de cet usage non approprié, selon le directeur général adjoint.
L'AP-HP ne remet pas en cause l'utilisation du fichier SI-VIC
En revanche, l'AP-HP n'a pas fait de commentaires sur l'utilisation même du fichier SI-VIC dans ce contexte, qui prête pourtant à la controverse. L'utilisation de cet outil a ainsi été élargi en 2016, pour pouvoir être utilisé en cas de «situation sanitaire exceptionnelle», et non plus uniquement pour identifier les victimes du terrorisme.
Il est désormais régulièrement utilisé par l'AP-HP dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes. Selon un article du Canard enchaîné publié le 17 avril, les données atterriraient ensuite dans les locaux du ministère de l'Intérieur, ce que dément ce dernier, assurant ne pas avoir «accès au fichier SI-VIC».
«Activer ce fichier pour des manifestations à caractère social, c'est une dérive grave et une menace pour les libertés individuelles», avait pour sa part dénoncé Christian Prudhomme, porte-parole des médecins urgentistes, cité par le journal satirique.
Courant avril, un gilet jaune blessé le 9 février avait annoncé qu'il allait déposer plainte contre X, soupçonnant un possible fichage «illicite» par l'hôpital parisien qui l'avait opéré.