Ex-mélenchonistes, anti-UE ou gaullistes : quand les souverainistes de tout bord tentent de s'unir

Ex-mélenchonistes, anti-UE ou gaullistes : quand les souverainistes de tout bord tentent de s'unir © GONZALO FUENTES Source: Reuters
Les défenseurs de la souveraineté nationale et populaire en France désapprouvent massivement le fonctionnement de l'Union européenne.
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Des républicains des deux rives vers une entente prochaine ? Ces défenseurs de la souveraineté nationale et populaire veulent en tout cas porter leur projet en s'appuyant sur les revendications des Gilets jaunes.

Ils ont été près de 500 à avoir signé l'appel lancé par le journaliste Jacques Cotta du site La Sociale pour l’organisation d’une réunion nationale,afin de «répondre aux exigences du pays, aux intérêts du peuple, pour la défense de la souveraineté et de la république sociale». Unir les fervents partisans de la République sociale ? Pour Jacques Cotta, interrogé par RT France, rien d'impossible. Il estime en effet que, sur les questions de fond concernant «la souveraineté nationale, la justice sociale, le soutien absolu à la démocratie et aux Gilets jaunes», les différentes chapelles politiques pouvaient «combattre ensemble quelles que soient les particularités de chacun».

C'est dans cet esprit que Jacques Cotta a tenté de réunir le plus de mouvances politiques possibles le 12 janvier dernier à Paris. Dans l'assistance, des ex-Mélenchonistes comme Djordje Kuzmanovic, des philosophes et historiens tels que Denis Collin ou Laurent Henninger ou encore des représentants de la Nouvelle action royaliste autour de Bertrand Renouvin. Le dénominateur commun de toutes les mouvances et intellectuels représentés ? Une opposition claire à la politique d'Emmanuel Macron et de l'Union européenne. La plupart considère d'ailleurs le mouvement des Gilets jaunes comme une chance pour rebattre les cartes politiques. Un premier obstacle apparaît néanmoins très rapidement : une union est-elle possible ? Et si oui, comment ? 

Vers la création d'un collectif, d'un nouveau parti, d'un CNR ?

Jacques Cotta penche vers «la création d’un collectif, un comité national pour la justice sociale et pour la souveraineté, qui permettra précisément de mettre en musique ces points d’accord des uns et des autres».

Combattre ensemble quelles que soient les particularités de chacun

Pour l'ancien orateur national de La France insoumise sur les questions de Défense Djordje Kuzmanovic, l'heure est plutôt à la création d'un nouveau Conseil national de la résistance (CNR) : «Quel que soit le passé de chacun, quelle que soit l’organisation à laquelle il a participé, pour moi, pas question d’organiser un mouvement politique ou un parti qui serait quelque chose qui se mettrait en cartel. Discuter avec l’UPR, discuter avec Philippot, avec celui-ci, pas celui-là... non ! S’il y a quelque chose qui doit émerger c’est quelque chose de neuf où chacun peut se reconstruire, et s’engager à nouveau de manière fraîche et originale.» Djordje Kuzmanovic est de fait en pleine création d'un mouvement politique, devant voir le jour prochainement, épaulé par l'écrivain et militante pour la défense de la laïcité Fatiha Boudjahlat.

Le clivage gauche droite doit-il être dépassé ?

Nombreux de ces patriotes convaincus se revendiquent comme Gilets jaunes et entendent, à l'image du mouvement citoyen né le 17 novembre, dépasser l'actuel clivage gauche-droite. Egalement membre de La Sociale, le philosophe Denis Collin estime par exemple que ce clivage ne signifie plus «grand chose». Il argumente qu'Emmanuel Macron est identifié à gauche, tout comme le gouvernement actuel : «Sa structure, sa colonne vertébrale vient du Parti socialiste. Emmanuel Macron a été biberonné par les élites intellectuelles de la gauche libérale qui formait une aile du Parti socialiste». 

Dans la même inspiration, l'historien Laurent Henninger, proche du Cercle Aristote, «rejette tout autant la droite et la gauche qui sont les deux faces d’un système libéral bourgeois». Lui aussi considère qu'il ne faut pas chercher d'alliances avec d'autres partis, et particulièrement pas avec le Rassemblement national. «Mais il faut refuser le sectarisme», précise-t-il. Selon lui, il faudrait «créer quelque chose d’entièrement nouveau qui permettra de dépasser la gauche et la droite qui sont des cadavres et ne peuvent que nous amener à l’échec».

Le Rassemblement national exclu d'emblée par les souverainistes ? Une idée sensée pour Jacques Cotta, qui pose un regard critique sur le parti de Marine Le Pen : «Marine Le Pen est un leurre : prenez la question du SMIC par exemple, qui est une des revendications des Gilets jaunes. Marine Le Pen est sur la ligne de l’Union européenne et de Macron.» En revanche, le journaliste assume discuter avec des Gilets jaunes ayant voté pour Marine Le Pen en 2017 : «Entre nous, ils ne sont pas plus fascistes que vous et moi. Ces gens ont notamment voté Front national parce que précisément la politique fait qu’ils ne pouvaient pas voter pour quelqu'un d’autre.»

Parmi les signataires de l'appel, l'économiste et membre du club Nation et République sociale Frédéric Farah nuance les appels à créer un front souverainiste et à mettre fin au clivage gauche droite. Il juge ce clivage «structurant dans notre histoire politique» : «Il est important avant de faire un front uni, d'être clair sur ce que l’on veut défendre. Je suis issu de la gauche, je reste de gauche, pour moi il n’y a pas de discussion là-dessus. Un front indistinct qui ne s’entendrait pas clairement sur les orientations au préalable ne me parait pas souhaitable.»

D'ailleurs, la position de Frédéric Farah semble correspondre à un état d'esprit profondément ancré chez plusieurs souverainistes, dits de gauche. Le Mouvement républicain et citoyen (MRC) – fondé par Jean-Pierre Chevènement en 2003, qu'il quitte en 2015 pour des raisons stratégiques – a lors de ses deux derniers congrès en 2015 et en décembre 2018 refusé un éventuel pas vers les souverainistes classés à droite. Pour ce parti, le combat politique doit seulement s'inscrire dans une démarche à gauche. Dans cette intention, le MRC a acté une alliance avec le parti de Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuel Maurel (dissidents du Parti socialiste) pour créer un nouveau parti début février qui se situera «dans la gauche républicaine, écologiste et socialiste».

Le moment politique fait étrangement écho aux quelques tentatives souvent avortées visant à unir les républicains des deux rives autour de Jean-Pierre Chevènement à gauche et des gaullistes sociaux, comme Nicolas Dupont-Aignan, à droite. Dans l'histoire politique récente, cela ne s'est concrétisé qu'à une reprise, lors de la création du Pôle républicain pour l'élection présidentielle de 2002. Mais le score de l'ancien ministre de l'Intérieur Jean-Pierre Chevènement (5.33% des voix) – un temps pressenti dans les sondages comme pouvant être le troisième homme de la présidentielle – a conduit l'organisation à sa disparition en 2004.

Gilets jaunes et souverainistes, même combat ?

L'actualité des Gilets jaunes, mouvement citoyen trans-partisan, donne cependant un nouveau souffle à la possibilité d'une union qui dépasserait le traditionnel clivage gauche-droite. Certains y perçoivent «une situation pré-révolutionnaire», à l'instar de Jacques Cotta. Laurent Henninger, quant à lui, ose une comparaison avec l'année 1848 et sa révolution de février : «1848 c'est l'année de naissance du mouvement ouvrier et l’année où le mouvement ouvrier au niveau mondial commence à se séparer du mouvement républicain bourgeois issu de 1789.»

Créer quelque chose d’entièrement nouveau qui permettra de dépasser la gauche et la droite qui sont des cadavres et ne peuvent que nous amener à l’échec

Jacques Cotta identifie par ailleurs deux conditions nécessaires à la concrétisation des revendications des Gilets jaunes : «la souveraineté nationale» et «l’indépendance absolue vis-à-vis de l’Union européenne». «On se rend compte que toutes les revendications des Gilets jaunes sont contradictoires à la politique qu’impulse l’Union européenne», ajoute-t-il.

Face à toutes ses volontés, reste à déterminer si les souverainistes pourront s'entendre avant les élections européennes de mai 2019. Pour nombre d'entre eux, pas question de se précipiter. Jacques Cotta a par exemple annoncé qu'il boycotterait ces élections, affirmant qu'il ne s'agit-là que d'une position personnelle : «Je ne suis pas pour élire un Parlement qui n’a pas de pouvoir ou quels que soient les élus, ils appliqueront la même politique.» Frédéric Farah veut aussi temporiser et éviter d'aboutir à «des alliances de circonstances pour tenter de gagner une élection». «Le parlement européen est sur bien des aspects une coquille vide. Ce n’est pas par hasard que depuis des années, ces élections sont boudées par les français», poursuit-il en matraquant qu'«il ne faut pas agir dans la précipitation».

Malgré leurs différences, les promoteurs de la République sociale enchaînent les initiatives visant au rassemblement. Prochainement, le 2 février, Jean-Pierre Chevènement et ses proches (dont le député MRC Christian Hutin) organiseront ainsi une rencontre publique à l'Assemblée nationale. Avec, en ligne de mire, la renaissance d'un Pôle républicain, comme en 2002 ? 

Bastien Gouly

Lire aussi : François Cocq (LFI) : «La stratégie de rassemblement de la gauche est inefficace»

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