Remise en cause du droit du sol : Laurent Wauquiez n'a rien inventé

Remise en cause du droit du sol : Laurent Wauquiez n'a rien inventé© Eric Feferberg Source: AFP
Laurent Wauquiez au quartier général des Républicains le 18 avril au cours d'un discours sur l'immigration.
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Laurent Wauquiez, le président des Républicains, s’est targué de «faire une proposition neuve» en remettant en question le droit du sol. Mais ce sujet est pourtant une antienne de la droite depuis plus de dix ans.

Laurent Wauquiez est-il aussi audacieux qu'il l'affirme lorsqu’il ose remettre en cause le code de la nationalité ? «Le fait de sortir du droit du sol est une proposition neuve. Nous n’avions jamais assumé d’aller jusque-là aussi clairement», a-t-il en effet expliqué à Nice Matin.

Il n’y a pourtant rien d’inédit dans cette proposition soutenue par des personnalités politiques de premier plan à droite au cours de la dernière décennie. Leitmotiv du Front national (FN), la restriction du droit du sol a aussi été portée par Jean-François Copé, Alain Juppé, François Barouin, Christian Estrosi et même Nicolas Sarkozy. Retour sur un sujet complexe auquel la confusion et la mauvaise fois viennent souvent se mêler.

En France, le droit de la nationalité est régi par le code civil depuis 1804, qui a évolué à de nombreuses occasions avant d'adopter sa forme actuelle. A l’époque, les enfants nés en France de parents étrangers pouvaient déjà prétendre à la nationalité à leur majorité.

Actuellement, la règle du droit du sol permet à un enfant né en France de parents étrangers nés à l’étranger d’obtenir automatiquement la nationalité française à sa majorité s’il vit en France à cette date et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans depuis l’âge de 11 ans. Il peut aussi en faire le demande entre 13 et 16 ans. La nationalité française peut aussi être obtenue si l'un des frères et sœurs est français et à condition de ne pas avoir été condamné à une peine d’au moins six mois de prison avec sursis. 

La proposition de Laurent Wauquiez

Au cours de son voyage à Mayotte en mars, Laurent Wauquiez avait déjà évoqué la question des immigrés clandestins et des femmes étrangères qui venaient accoucher dans les maternités de l’île uniquement pour que leur enfant puisse bénéficier de la nationalité française. Concernant les «immigrés clandestins qui entrent en France et qui se disent : si mon enfant naît en France, il sera français», le président du conseil régional Auvergne Rhône-Alpes a fustigé un «détournement des règles du droit du sol» sur RTL au micro d'Elizabeth Martichoux, le 18 avril.

Il en a profité pour faire une première proposition qu’il veut «porter à l’échelle de France». «Si les parents sont entrés de façon irrégulière en France, ça ne peut pas conduire au droit du sol», a-t-il déclaré. Le président des Républicains a aussi annoncé qu’il souhaitait «qu’on ne donne plus la nationalité à des délinquants qui ont été condamnés à une peine de prison». Une mesure qui existe déjà, selon Elizabeth Martichoux, mais dont il déplore qu’elle ne soit pas «automatique».

Or, il s'agit là d'une erreur de la journaliste, car un tel procédé n'a existé qu’entre 1993 et 1998, sous l’effet d'une loi, la loi Méhaignerie, supprimée en 1998 par le gouvernement Jospin. Pendant ces cinq années, l’automaticité de l’obtention de la nationalité française pour les jeunes nés en France de parents étrangers avait donc été supprimée. Et une condamnation à une peine égale ou supérieure à six mois d’emprisonnement entre 18 et 21 ans pouvait entraîner un refus.

Or, aujourd’hui, cette condition ne s'applique plus qu'aux jeunes obtenant la nationalité française grâce à un membre de leur fratrie. Le président des Républicains a donc raison de dire que des délinquants peuvent obtenir la nationalité française, mais tort lorsqu'il pense que la prise en compte de la délinquance fait parfois partie de l'équation dans un contexte d'enfant né en France de deux parents étrangers. Son propos est aussi très approximatif lorsqu'il laisse entendre qu'il suffirait qu'un enfant naisse de parents entrés illégalement entrés en France sur le sol français pour que le droit du sol s'applique.

Un sujet loin d'être tabou chez Les Républicains

Laurent Wauquiez, qui entend réduire l’immigration de masse, qu’il évalue à un million d’entrées au cours du quinquennat, est-il un précurseur dans sa volonté de remettre en question le droit du sol, ancré en France depuis plus de deux cent ans ? «Mon sujet ce n’est pas de rester figé sur des tabous», a-t-il claironné. Or, le droit du sol n’en est pas un tabou pour de nombreux responsables politiques de droite, y compris dans son propre camp, qui ont déjà proposé de le réformer.

Ce sujet mobilisait il y a peu les candidats à la primaire de la droite en 2016. Pour Nicolas Sarkozy, jusqu’ici farouche défenseur du droit du sol, lui-même né de père hongrois, il convenait de le faire évoluer. Il souhaitait que «l’Etat s’oppose à cette acquisition si les parents [étaient] en situation irrégulière au moment de la naissance ou si l’intéressé s’[était] livré à des activités terroristes ou à des actes de délinquance, des crimes ou des délits».

Alain Juppé, qui cultive volontiers une image plus modérée face à la radicalité supposée de Laurent Wauquiez, proposait quant à lui de «conditionner l’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés en France [droit du sol] à la régularité du séjour d’au moins un des deux parents au moment de la naissance».

Une remise en cause déjà ancienne

Avant eux, d’autres personnalités de droite avaient contesté le droit du sol. En 2013, Jean-François Copé, à l'époque président de l’UMP, proposait de le réformer mais sans le remettre en cause. «Quand on est né en France de parents étrangers en situation irrégulière, on n'a pas vocation à y rester et il n'est pas possible d'obtenir la nationalité française. Les enfants nés de parents étrangers en situation régulière ne peuvent pas obtenir la nationalité française de manière automatique. Ils doivent en faire la demande», avait-il annoncé dans son «plan pour une nouvelle politique de l’immigration».

Il reprenait en partie une idée d’Eric Besson de 2010, dont le projet de loi non-abouti sur l'immigration intégrait la «manifestation de volonté» comme condition d'accession à la nationalité. Une mesure qui existait sous la loi Méhaignerie. 

Concernant les territoires d’Outre-mer, les personnalités politiques de droite ont souvent épinglé les agissements des clandestins. En 2008, Christian Estrosi, à l’époque secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, avait fait une suggestion. «Nous pourrions prendre une décision exceptionnelle qui fasse que tout enfant né de parents en situation irrégulière ne puisse plus réclamer son appartenance à la nationalité française», avait-il déclaré à France 2.

En 2005, François Baroin, à l’époque ministre de l’Outre-mer du gouvernement de Villepin, souhaitait remettre en cause le droit du sol «dans certaines collectivités d'Outre-mer» confrontées à «des politiques de peuplement non maîtrisées», comme Mayotte. Mais le risque d’inconstitutionnalité de cette mesure avait conduit à son abandon.

L'annulation du droit du sol a été de tous temps une revendication du FN. L'ancien président du parti, Jean-Marie Le Pen, avait ainsi déclaré en 2012 dans un meeting souhaiter la suppression d'«une disposition qui fait qu'une chèvre née dans une écurie serait un cheval». 

Lire aussi : Pression politique ou partialité ? Un reportage censuré sur Laurent Wauquiez déchaîne les passions

 

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