L’or rouge français à l’heure de la mondialisation
Alors que Vinexpo, le salon professionnel du vin, ouvre ses portes à Bordeaux, RT a interrogé Bernard Farges, viticulteur et gardien des AOC françaises sur les défis et les menaces qui pèsent sur la viticulture française.
Le futur partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement (TTIP) pourrait être à la colle avec les gouvernements français sur le sujet viticole. Pour la France, les vignes ne constituent pas qu’un attrait dans le paysage, elles jouent aussi un rôle important pour la préservation de l’environnement. Les vignobles protègent le sol contre l’érosion. Mais une fois le TTIP signé, il sera difficile pour la France de vendre ses vins à l’étranger car les standards varient drastiquement.
Le représentant de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France Pierre Genest déclare qu’il est très compliqué d'exporter des vins biologiques de l'autre côté de l'Atlantique «car les standards ne sont pas compatibles, la notion de bio diffère aux Etats-Unis et dans l'Union européenne».
De plus, la Chine est devenue en 2014 le deuxième vignoble du monde, derrière l’Espagne et elle devance désormais la France qui arrive en troisième position. D’après l’Organisation mondiale de la Vigne et du vin (OIV), le gouvernement chinois a consacré près de 800 000 hectares à la viticulture ce qui lui a permis d’atteindre ce résultat étonnant en moins de 15 ans.
Ces problèmes aigus sont discutés lors de Vinexpo, la grande messe internationaledu vin : 2 350 exposants originaires de 42 pays seront présents à Bordeaux ce week-end où près de 50 000 visiteurs sont attendus. Quels sont les enjeux de demain pour les viticulteurs de l’Hexagone ? Quelle place pour le vin français (1er pays producteur) dans un marché de plus en plus mondialisé ? Bernard Farges, le président de la Confédération nationale des producteurs de vin et eaux-de-vie à appellations d'origine contrôlée (CNAOC), viticulteur à Mauriac dans le Bordelais a répondu aux questions de RT.
Dimanche, @VINEXPO, le plus grand salon mondial des #vins et spiritueux, s’installe pour cinq jours à #Bordeaux Lac pic.twitter.com/4ky5cXcUiy
— Bordeaux Fête le Vin (@BordeauxFeteVin) 12 Juin 2015
RT: Où se joue l'avenir du vin français aujourd'hui ?
Bernard Farges: Il est évidemment qu'il y a deux grands marchés du vin: l'Asie et les Etats-Unis. Mais il y a des différences importantes entre les différents vignobles français qui n'ont exactement les mêmes cibles. Par exemple, Cognac est très présent en Chine, et Champagne c'est plus le Japon. Mais disons, que l'Asie est vraiment un marché gigantesque pour les viticulteurs français avec une classe moyenne chinoise (500 millions de personens) capable de consommer de grandes quantités de vins et d'eaux-de-vie français. Il y a également les Etats-Unis qui sont un marché très important pour les producteurs français. Et depuis plusieurs mois, la parité euro/dollar nous avantage beaucoup. Il existe une vraie dynamique depuis le début de l'année 2015 pour les vins français aux Etats-Unis, notamment le Sancerre qui marche très bien là-bas. Les Américains en rafolent.
.@fhollande inaugure aujourd'hui le salon international du vin #Vinexpo. La France en est le 1er producteur mondial! pic.twitter.com/3Y8seQQDlf
— Gouvernement (@gouvernementFR) 14 Juin 2015
RT: Les viticulteurs français doivent-ils craindre l'arrivée des vins du «Nouveau Monde», meilleur marché ?
Bernard Farges: Oui les vins chiliens et australiens en particulier. Ces pays ont en effet réussi à pénétrer le marché asiatique, grâce à des accords commerciaux de libre-échange très favorables: le «zéro taxe». Depuis le 1er janvier 2015, le vin chilien peut être importé en Chine sans être taxé (ce sera 2019 pour l'Australie), cela a eu des conséquences immédiates sur le marché asiatique. Nous devons donc être très attentifs au sujet de ces accords commerciaux, qui sont décidés à Bruxelles en ce qui nous concerne, car ils peuvent avoir un effet d'accélérateur très fort. personne ne peut cacher que l'arrivée de ces vins du «Nouveau Monde» nous ont fait beaucoup de mal, mais la compétition est ouverte...que le meilleur gagne.
RT: Justement craignez-vous qu'avec les accords de libre-échange Transatlantique (TTIP), actuellement en négociation entre Bruxelles et Washington, les normes et AOC françaises soient supprimées ?
Bernard Farges: Cela nous inquiète énormément et notre combat principal en ce moment, c'est de défendre nos indications géographiques. Les Etats-Unis ont beaucoup de mal à accepter nos normes, nos AOC. L'appelation «Château» est aussi menacée avec ces accords Transatalantiques, alors que chez nous, c'est essentiel ! Moi je vous le dis: du Champagne «made in USA» vendu en France, ce n'est même pas envisageable. Mais heureusement, nous n'en sommes pas encore là, nous jouons les matchs les uns après les autres.
RT: Les députés ont modifué la loi Evin (permettant de faire de la publicité sur l'alcool), la ministre de la Santé s'est insurgée en parlant de «coup dur pour la santé publique», qu'en pensez-vous ?
Bernard Farges: La colère de la ministre de la Santé est au choix, feinte ou disproportionnée. Il n'y a pas eu d'assouplissement de la loi Evin, c'est faux, il y a eu une clarification entre publicité et information. Maintenant, les journaux pourront parler librement de vin, d'alcool sans être obligés de mentionner à la fin de l'article «l'abus d'alcool est dangereux pour la santé», car plusieurs titres de presse avaient été condamnés pour cela. Les députés n'ont pas travaillé avec un pistolet sur la tempe, vous savez nous, les producteurs, nous n'avons pas d'intérêt à pousser pour une consommation massive de vin en France. Ce serait totalement irresponsable.